StopFake.org est un média collaboratif lancé en mars 2014 par des étudiants et des diplômés de l’école de journalisme de Mohyla, à Kiev. Depuis plus d’un an, ces jeunes – maintenant tous journalistes professionnels – se consacrent, sur la base du volontariat, à « combattre la désinformation relative aux évènements ayant lieu en Ukraine ». 8e étage a pu s’entretenir par téléphone avec Margo Gontar, journaliste, présentatrice et cofondatrice de StopFake.org.

(Capture d’écran : StopFakeNews)
Un jour de février 2014, une poignée d’étudiants et d’anciens élèves de l’école de journalisme de Mohyla se réunissent à Kiev. Un questionnement les anime : que peuvent-ils faire, à leur échelle, pour aider une Ukraine qu’ils considèrent victime « de tentatives répétées de désinformation par les médias russes » ? Tous sont d’accord sur un point, démêler le vrai du faux parmi les centaines d’articles publiés chaque jour par des médias parfois sous pression représente une tâche laborieuse lorsque l’on ne possède pas de réelle expertise sur le sujet, le cas de beaucoup de citoyens russes et ukrainiens. Ensemble, ils décident de fonder StopFake.org : un média collaboratif qui se donne pour mission de « combattre la désinformation relative aux évènements ayant lieu en Ukraine ».
Journalistes et non-politiciens, ni militaires, ils choisissent de « s’attaquer à ce qui ne va pas avec la sphère médiatique », explique Margo Gontar, 26 ans. La brune aux yeux bleus électriques est à l’origine du projet, en ligne depuis mars 2014. Depuis, elle collabore régulièrement à l’écriture d’articles, en anglais et en russe, sur le site. Elle est également coprésentatrice d’une revue de presse hebdomadaire diffusée sur la chaine YouTube de StopFake.
Au terme de quelques errances, StopFake.org devient finalement « un espace en ligne cataloguant les diverses tentatives avérées de désinformation (volontaires ou involontaires) et de propagande ». Leur guerre pour l’Ukraine n’aura pas lieu sur les champs de bataille de l’Est, mais sur Internet, par écrans interposés, où se joue la guerre de l’information, tout aussi cruciale à l’ère du numérique. À leurs côtés pour avancer sur ce terrain miné, des “lanceurs d’alertes” en la personne des lecteurs eux-mêmes qui peuvent signaler un “fake” que la rédaction vérifiera ensuite.

(capture d’écran : http://www.stopfake.org/en/news)
Un an et cinq millions de visiteurs uniques plus tard
« Ce qui a permis au projet de décoller très rapidement et nous a tout de suite donné une crédibilité, c’est l’implication de journalistes professionnels bénéficiant déjà de connexions au sein des médias ukrainiens », explique Margo. Avec l’aide de ce réseau préexistant, mais aussi grâce au soutien indéfectible de l’école de journalisme de Mohyla apporté à une équipe essentiellement formée dans ses locaux, StopFake ne tarde pas à trouver son public. 25 000 « fans », en l’espace de seulement deux semaines, tous réseaux sociaux confondus. « Beaucoup de gens nous ont contactés pour nous dire que ce que nous essayions de faire leur avait redonné espoir dans les médias ukrainiens », ajoute la jeune femme.
Un an plus tard, le site affiche un trafic impressionnant : plus de cinq millions de visiteurs uniques et 15 millions de pages vues depuis son lancement. L’époque des 25 000 « fans » est depuis longtemps révolue. Ils sont maintenant près de 160 000 à suivre StopFake d’une manière ou d’une autre.
Si l’équipe a quelque peu changé – il ne reste plus que cinq des vingt personnes présentes lors du lancement –, le site continue de produire du contenu à un rythme soutenu. Les articles les plus lus demeurent, de loin, ceux précédés de la mention « Fake ». Ce sont ces derniers, qui s’efforcent de démentir les rumeurs colportées par les médias à propos de l’Ukraine, qui ont forgé la réputation du site.
« Les photos sont les « fakes » les plus faciles à repérer » explique Margo. « En revanche, c’est plus compliqué pour ce qui est des vidéos » avoue-t-elle. Il convient donc de se montrer très attentif pour tenter de dépister la présence d’indices (noms, numéros, etc.) pouvant permettre de vérifier l’authenticité d’un clip. Par exemple, « si une vidéo a été mise en ligne de multiples fois par plusieurs comptes YouTube différents au cours d’une même journée, cela peut éveiller nos soupçons ».

Parfois, ce sont des choses aussi simples que la lecture des commentaires des internautes, ou encore la recherche par termes associés (ou mots tags), qui ont pu permettre à StopFake.org de mettre en évidence l’utilisation par certains médias d’un extrait, pris hors de son contexte, provenant d’une vidéo originale n’ayant rien à voir avec le sujet traité.
Parfois même, la ficelle est encore plus grosse. Margo se rappelle de cette vidéo où l’on voyait la mère d’un soldat mort au combat accuser le président ukrainien du décès de son fils. Initialement publiée sur les réseaux sociaux, la vidéo avait ensuite été reprise par les médias russes avec l’intitulé : « une mère ukrainienne s’en prend à Petro Porochenko ».
Après enquête par StopFake, il s’est avéré que l’extrait en question provenait d’une vidéo publiée sur YouTube à une date antérieure. Ironiquement, dans son contexte original, la mère de ce soldat blâmait le président russe, Vladimir Poutine. Néanmoins, les manipulations aussi évidentes que celles-ci se font de plus en plus rares, explique Margo, pour qui « soit il y a moins de « fakes » qu’avant, soit les techniques utilisées se sont améliorées. » Ce qui n’empêche pas les internautes de participer parfois directement à l’identification de « fakes » grâce à la méthodologie et aux outils gratuits disponibles sur le site pour ceux qui souhaiteraient vérifier eux-mêmes l’authenticité d’une photographie, par exemple.
Le site de réinformation se fait aussi le relai d’articles “objectifs” en traduisant des papiers parus dans la presse étrangère, notamment américaine et anglaise et en publiant quelques rares papiers d’analyse. La chaine YouTube, bilingue anglo-russe à l’instar du site, compte pour sa part plus de 28 000 abonnés.
« StopFake ? Je vois régulièrement apparaître leurs articles dans mon fil d’actualité, ils font du bon boulot », commente Sergii, jeune Ukrainien de 26 ans vivant à Lviv, dans l’ouest du pays. Une opinion partagée par Oksana, 30 ans, originaire de Kiev, qui ajoute que « les jeunes de [sa] génération s’informent largement sur Internet par le biais de médias comme StopFake ». Oleksandr, 28 ans et lui aussi originaire de la région de Lviv, se montre un peu plus méfiant : « Je ne sais pas trop quoi en penser, j’ai l’impression qu’ils font parfois preuve d’acharnement contre les Russes », déclare-t-il prudent.
Des accusations dont se défend Margo Gontar. « Nous n’avons absolument rien contre les Russes, ni même les médias russes en général » ajoute-t-elle, avant de préciser qu’« il n’y a rien à gagner à les diaboliser ». Selon elle, les créateurs de StopFake souhaitent simplement aider leur pays à aller de l’avant. « Il nous était impossible de nous satisfaire du niveau des informations rapportées par les médias ukrainiens – essentiellement contrôlés par un petit groupe de personnes, même s’il existe une pluralité de points de vue – et encore moins par ce que nous pouvions lire dans la presse russe ou russophone », explique la jeune Ukrainienne.
Son principal problème, ce sont les « positions défendues par le Kremlin et les actions illégales menées contre l’Ukraine » et « le fait que les médias russes, essentiellement à la botte du pouvoir tant la liberté de la presse a récemment été muselée en Russie, n’hésitent pas à se livrer à la désinformation, voire même à des opérations de propagande, pour supporter leurs vues proKremlin ».
À en croire Margo, ce qui rend les médias russes particulièrement dangereux c’est le fait qu’une « information diffusée par un média russe remplira très vite l’intégralité de l’espace médiatique, par effet boule de neige, car ils sont, à quelques rares exceptions près, contrôlés par un seul pouvoir ». Et si l’équipe garde à l’œil certains médias qu’elle a plusieurs fois pris la main dans le sac, à l’instar du très ouvertement pro-Kremlin Lifenews, Margo nous assure que l’équipe n’a jamais fait preuve d’acharnement.

Le russe et l’anglais
Si StopFake s’adresse majoritairement à un public ukrainien, une part importante du lectorat proviendrait de Russie. Selon Margo, qui n’avance pas de chiffres précis, « il s’agit du deuxième groupe le plus important après les Ukrainiens, et ce aussi bien en terme de lectorat, qu’en termes de donateurs ». Un troisième pôle de lecteurs serait à trouver du côté de ce que la jeune Ukrainienne appelle « les pays de l’Ouest » (à comprendre les États européens et l’Amérique du Nord). Difficile cependant d’évaluer quelle proportion de ces lecteurs se compose en réalité de migrants originaires d’Ukraine ou de Russie.
Le site possède deux versions, l’une en russe, qui a fait son succès, et une seconde en anglais, destinée à un public occidental. Pourquoi avoir fait le choix du russe et non de l’ukrainien ? Tout simplement, car « la quasi-totalité des Ukrainiens comprend le russe alors que la réciproque n’est pas vraie ». Une décision qui fait sens, surtout lorsque l’on sait que la cible principale de StopFake demeure avant tout ceux qui lisent les médias russes. « C’est à eux, les premières victimes de la désinformation, que nous souhaitons nous adresser et il paraît donc évident de le faire dans leur langue natale », ajoute la jeune Ukrainienne.
Le choix du russe s’explique facilement, mais pourquoi avoir créé une version anglaise ? La réponse peut se résumer à ces deux noms : Sputnik et Russia Today (RT). Des médias russes à portée internationale, proches du Kremlin, qui auraient régulièrement été pris en flagrant délit de désinformation par StopFake dans d’autres langues que le russe. « Lorsqu’ils font cela, ils se basent souvent sur des sources russes qu’un public qui ne parle pas la langue n’a pas les moyens de vérifier », commente la jeune femme.
L’équipe a également pu découvrir des tentatives de désinformation dans les médias ukrainiens, bien sûr, mais aussi dans d’autres médias européens ou nord-américains. « Certains jouent le jeu des Russes, ou tombent parfois dans le panneau par pure ignorance, mais cela relève de l’exception ».
« Un Maïdan en ligne »
Impossible de manque le bouton « Report a Fake » en haut à droite de la page d’accueil de StopFake.org. C’est par ce biais que l’équipe trouve la majorité des sujets qu’elle traitera. « Cela nous permet de savoir ce qui préoccupe nos lecteurs. Si nous nous apercevons que plusieurs d’entre eux nous signalent une même information, il y a de grandes chances que nous décidions de mener l’enquête ».
Au début de l’année dernière, le site pouvait recevoir jusqu’à 150 messages par jour par ce biais, « il était impossible de tout couvrir ». De nos jours, la boite de réception est bien plus calme avec une moyenne de 10 messages par jour. Quoi qu’il en soit, le site a toujours mis en avant « l’aspect communautaire » estimant que « cela donne une chance à ceux qui veulent prendre part à une espèce de « Maïdan » en ligne ».
L’équipe de StopFake se vante également d’avoir servi d’inspiration à d’autres médias du pays : « Ils ont vu qu’il était possible de s’attaquer au problème de la désinformation et, très vite, de plus en plus de médias ukrainiens ont commencé à parler ouvertement de l’existence d’une guerre de l’information ». Pour Margo, pas de doute, rien de tout cela n’aurait été possible avant Maïdan et l’annexion de la Crimée par les Russes qui s’en est suivie. « Avant la révolte de Maïdan, les gens n’étaient pas prêts à remettre en cause la version proposée par les médias russes ».
Quel futur pour StopFake ?
La situation financière du site Internet est loin d’être au beau fixe. L’équipe espère obtenir des fonds supplémentaires, privés ou publics, pour pouvoir se développer, sans pour autant vouloir mettre au jour un nombre plus important de « fakes ». L’objectif, explique la jeune Ukrainienne, est davantage de donner de la profondeur au site par le biais de « représentations graphiques léchées et d’analyses poussées ». Autre objectif, développer la version anglaise du site, « qui ne fait pas encore suffisamment professionnelle ». Une évolution qui passe obligatoirement par l’embauche d’un « présentateur dont l’anglais serait la langue maternelle ».
Envoyer des équipes sur le terrain fait aussi parti de leurs aspirations sur le long terme. « Cela voudrait dire aller dans l’est du pays, ce qui a un coût et demande du temps », explique Margo. La plupart des membres de l’équipe de StopFake travaillent depuis Kiev, même si « certains contributeurs ponctuels sont basés ailleurs dans le pays, voire parfois même à l’étranger ». Ils travaillent le plus souvent depuis leur appartement ou le café du coin. Pourtant, insiste la jeune journaliste, « cela ne remet pas en cause la qualité de notre travail. Notre terrain à nous, ce sont nos ordinateurs ».
« L’enthousiasme c’est quelque chose de merveilleux, mais malheureusement ça ne paye pas le loyer »
Le site ne reçoit pas de subventions publiques. StopFake survit majoritairement grâce aux dons de la communauté et quelques maigres revenus publicitaires – en provenance de Google. « Je n’ai jamais considéré ce projet comme une entreprise commerciale » enchaine Margo, « si on avait vraiment voulu rentabiliser StopFake, nous aurions fait les choses différemment ».
« Nous sommes tous volontaires », explique-t-elle. « Les dons nous aident à survivre, mais ce ne sera jamais suffisant pour pouvoir payer les 16 personnes qui composent notre équipe à l’heure actuelle », commente-t-elle. À côté de son travail non rémunéré de journaliste pour StopFake, elle est elle-même musicienne semi-professionnelle et avoue avoir parfois du mal à joindre les deux bouts. « L’enthousiasme c’est quelque chose de merveilleux, mais malheureusement ça ne paye pas le loyer, surtout aussi longtemps », conclut la jeune femme. Un constat trop familier à beaucoup journalistes.

« Nous recevons de nombreuses menaces »
En l’espace d’un an, StopFake n’a été victime que de deux attaques par déni de service. Depuis, « certainement grâce à la compétence de leur équipe technique », le site s’est toujours débrouillé pour rester en ligne. Selon Margo, StopFake aurait néanmoins été bloqué dans certaines régions de Russie et même « un temps » en Ukraine dans la région de Kharkiv. En revanche, recevoir des messages d’insulte et des menaces est devenu monnaie courante pour la jeune femme et sa coprésentatrice de la revue de presse. « Cela n’a rien d’étonnant vu notre grande visibilité ».
Alors que l’équipe de StopFake.org continue son combat contre les « fakes », plusieurs médias internationaux (dont la BBC et The Guardian) ont récemment publié des articles disséquant les tactiques de désinformation employées par certains médias russes.
Pendant ce temps là, en Russie, un groupe de supporters russes du président Poutine vient de lancer, ce mardi, un nouveau magazine satirique hebdomadaire. Le but revendiqué de cette publication qui se targue d’être une réponse russe à Charlie Hebdo : publier des caricatures accompagnées de courts textes se moquant des pays occidentaux qui mèneraient actuellement ce que les créateurs de la revue considèrent comme « une campagne massive à caractère russophobe ». Le premier numéro — largement distribué dans les rues de Moscou par des membres du mouvement connu sous le nom d’anti-Maïdan — est entièrement consacré aux récents évènements en Ukraine.
Pour les gauchistes ou complotistes, Poutine le ” Tsar de Russie ”, est considéré comme un homme ” honnête ” et ” grand sauveur ”, de la russie contre les ” méchants occidentaux ”, qui veulent casser ” l’ harmonie ” de la Russie,ect,ect., lorsqu’ on brimes l’ oppositions aux élections, il est certain d’ êtes réélu, comme tous ” bons dictateurs ”, alors pour la démocratie en Russie, ce n’ est pas pour demain!