La Thaïlande s’apprêterait à déployer une censure généralisée d’Internet

 La junte thaïlandaise poursuit encore et toujours sa lente dérive autocratique, mais cette fois-ci sur le web. Elle vient en effet d’ordonner la création d’un « grand pare-feu de Thaïlande », fortement inspiré de son alter ego chinois. Objectif : être capable de bloquer le contenu de certains sites et applications, mais aussi potentiellement de surveiller l’accès à Internet de tous les citoyens thaïlandais.

(Photo Flickr/ Anthony Farris)
(Photo Flickr/ Anthony Farris)

Après la Chine, l’Iran, la Russie et la Turquie, c’est maintenant au tour de la Thaïlande de s’essayer à la censure en ligne à grande échelle. Et il semblerait bien que la junte militaire, au pouvoir depuis mai 2014, n’ait pas l’intention de faire les choses à moitié. Elle se préparerait à déployer très prochainement son « grand pare-feu de Thaïlande », un dispositif assez similaire à la version chinoise, capable aussi bien de bloquer des sites Internet et des applications que de surveiller les internautes du pays, comme le rapporte telecomasia.net.

Le 30 juin dernier, le cabinet (équivalent thaïlandais du conseil des ministres) du général Prayuth Chan-ocha, premier ministre autoproclamé, aurait ainsi ordonné aux ministères en charge des télécommunications, de la Justice ainsi qu’à la police nationale de mettre en place dans le pays un seul et unique portail permettant d’accéder à Internet — une chose que la Chine elle-même n’avait pas osé faire. Par ailleurs, afin de mener cette mission à bien, le cabinet leur aurait également demandé le 4 septembre dernier de lui soumettre des propositions de loi ou d’amendements.

Le public ne saurait probablement rien des intentions de la junte sans la curiosité d’un développeur thaïlandais installé au États-Unis — présent sur Twitter sous le nom de Prem Sichanugrist (@sikachu). Ce dernier a pu découvrir par hasard, alors qu’il parcourait les archives officielles listant les résolutions adoptées par le cabinet au cours de ces derniers mois (disponibles en ligne), la proposition de mettre en place une censure généralisée du web thaïlandais :

Comme le fait remarquer le site d’information TECHINASIA, cette décision de la junte va à l’encontre des mesures adoptées ces dernières années dans le but de garantir aux habitants du pays un accès à un Internet plus fiable et plus rapide. Cela viendra aussi chambouler les plans du nouveau ministre des télécommunications du pays, Uttama Savanayana. Il avait récemment indiqué vouloir faire de son pays le centre névralgique de l’échange de données dans cette région du monde. Peu de chance avec la mise en place de ce « grand pare-feu » qui, au-delà de l’aspect des libertés, provoquera aussi un ralentissement de la navigation pour tous les utilisateurs.

Si le pays recourt d’ores et déjà à la censure en ligne (par le passé la Thaïlande a occasionnellement bloqué des sites d’opposants politiques ou de critiques de la monarchie), la mise en place d’une porte d’entrée unique pour accéder à Internet simplifierait tout de même grandement le travail des censeurs. Si la loi venait à être modifiée en conséquence, le gouvernement pourrait par exemple décider unilatéralement du blocage d’un site web, et ce sans avoir besoin d’un ordre de justice ni même de demander aux fournisseurs d’accès de coopérer. Par ailleurs, si l’usage des logiciels de cryptage et des VPNs — moyens de contourner la censure en ligne — demeurent pour l’heure autorisés dans le pays, rien ne dit qu’ils ne seront pas très prochainement bannis.

A la censure en ligne s’ajoute également une forme de censure plus primaire, voire même d’autocensure, dans le pays. Dernier exemple en date ce mardi, quand un imprimeur thaïlandais a tout bonnement refusé de faire sortir le New York Times des rotatives en raison d’un article s’interrogeant sur la santé du roi Bhumibol Adulyadej et abordant la dérive autocratique du gouvernement au pouvoir.

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