Kirghizistan : les femmes victimes de violences domestiques délaissées par les autorités

 Un rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) montre qu’au Kirghizistan les femmes violentées par leur mari, ou tout autre homme, ne peuvent pas vraiment compter sur le soutien de la police, de la justice, ni même de l’État en général.

En 2012, 28% des femmes du Kirghizistan affirmaient avoir déjà été victimes de violences domestiques. (Photo Flickr - seair21)
  En 2012, 28% des femmes du Kirghizistan affirmaient avoir déjà été victimes de violences domestiques. (Photo Flickr/ seair21)

Appelez-moi quand il essaiera de vous tuer ». Voici ce qu’a répliqué la police kirghize à une jeune femme battue par son mari. Une réponse qui a servi de titre au dernier rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) sur les violences domestiques dans ce petit pays d’Asie centrale. On y apprend que bien qu’une loi censée protéger les femmes ait été adoptée en 2003, celles-ci continuent encore trop souvent de se retrouver abandonnées par les services de police et les tribunaux.

Selon un sondage gouvernemental de 2012 cité par le site Eurasianet, 28% des femmes et des filles du Kirghizistan ont déjà subi des violences, que ces dernières soient de caractère physique, sexuel ou psychologique. Près de la moitié d’entre elles n’en parleraient jamais. Et pour cause, très peu osent porter plainte, par honte et par peur d’être stigmatisées.

Le journal The Diplomat évoque ainsi les multiples « obstacles culturels » à la dénonciation des violences faites aux femmes. Interrogées par l’ONG, certaines d’entre elles font référence à la « mentalité kirghize ». Dans le pays, les femmes seraient tenues de tout faire afin de préserver l’unité familiale, et celles qui sont victimes des coups de leur mari en seraient souvent tenues pour responsables. La justice elle-même n’est pas immune de cette tendance à blâmer les victimes au prétexte de protéger la famille, comme en atteste ce témoignage d’un juge recueilli par HRW :

« Quand les blessures ne sont pas trop sévères, on essaye d’abord de préserver la famille ».

Les rares femmes qui osent se présenter à la police sont souvent totalement ignorées. Selon l’ONG, moins de la moitié des plaintes déposées sont ensuite portées en justice. Et quand, d’aventure, un juge se saisit d’une affaire, l’agression ne sera qualifiée de « criminelle » que dans seulement 7% des cas.

En découlent des peines très légères, qui n’incitent pas les femmes à dénoncer leurs agresseurs, par peur d’éventuelles représailles. De fait, les mesures de protection prévues par la loi de 2003 restent, elles aussi, encore peu appliquées. Alors, n’ayant « nulle part où aller », comme certaines le confient à HRW, elles préfèrent se taire. Des centres de crise accueillent certaines d’entre elles et les aident en leur fournissant un refuge, mais aussi une aide psychologique et juridictionnelle. Pourtant, ces centres restent trop peu nombreux. De plus, les quelques-uns qui réussissent à s’ancrer dans la durée ne bénéficient généralement d’aucune aide de l’État.

Pour pallier les insuffisances du texte de 2003 et de sa mise en application limitée, une nouvelle loi devrait entrer en vigueur d’ici la fin de l’année. Mais déjà, comme le rapporte Eurasianet, le ministère des Finances émet des réserves : selon lui, il n’y aurait « pas les fonds suffisants pour mettre en place les résidences et les refuges préconisés par la législation ». Un argument qui n’a rien de valable à en croire Hillary Margolis, l’auteure du rapport de HRW : « Beaucoup de pays dans le monde souffrent d’un manque de moyens, mais ce n’est pas une excuse pour autoriser la moitié de la population à courir un risque aussi sérieux ».

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