L’Ecole Nationale de Santé a rédigé la première étude sur la question de la pollution aux particules fines, avec des données provenant de toutes les régions d’Espagne. Le quotidien national espagnol El Pais revient en détails sur les éléments de cette étude.
Deux mois seulement après que Madrid fut déclaré première ville espagnole à réduire son trafic routier à cause de la pollution qu’il engendre, l’Ecole Nationale de Santé a estimé l’ampleur du phénomène. La pollution aux particules en suspension aurait provoqué la mort prématurée de 26 830 personnes en Espagne au cours de la dernière décennie, selon une enquête dirigée par Julio Diaz, chef du département d’épidémiologie du centre.
C’est la première étude regroupant des données provenant de tout le pays. « 75% des particules présentes dans une ville sont dues aux activités humaines, principalement celle du trafic routier », explique Diaz.
L’enquête se base sur des données recueillies entre 2000 et 2009, fournies par l’Institut National des Statistiques, et par le ministère de l’Environnement. L’étude de Diaz, récemment publiée dans la revue spécialisée « La pollution environnementale », souligne que 90% de la mortalité attribuée aux particules survient avec de niveaux de concentration en deça de ceux préconisés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). « Il est donc urgent de réduire les chiffres recommandés par l’OMS », prévient l’épidémiologiste.
L’Organisation Mondiale de la Santé recommande des taux inférieurs à 50 microgrammes de particules par mètre cube d’aire en 24h. La ville d’Oviedo dépasse cette limite 44% du temps, Cordoba 40%, Séville 23%, Madrid 13,5%, et San Sebastian, 8% du temps, d’après l’étude de Diaz. Son travail montre que, pour chaque tranche de 10 microgrammes en plus, le risque de mort prématurée augmente de 0,9%. Il n’existe aucun seuil en dessous duquel des dommages pour la santé ne sont pas observés.
La dernière estimation de l’OMS établit que 6 860 personnes sont mortes prématurément en Espagne en 2012, en raison de l’exposition à la pollution atmosphérique, quelle qu’elle soit. L’étude de Diaz évoque 2 683 décès par an, sans tenir compte des contaminations à l’ozone, au dioxyde d’azote, et au dioxyde de souffre, également propagés par les émissions des véhicules.
Le chercheur précise que 651 de ces décès prématurés sont associés à des maladies respiratoires, et que les 556 autres sont dus à des pathologies cardiovasculaires. Les derniers découlent de l’aggravation d’autres troubles.
L’équipe de Diaz a également pris en compte les possibles variables qu’il peut exister pour chaque capitale de province, comme les différentes pyramides de populations, ou les vagues de froid et de chaleur. « Les études précédentes, explique Diaz, ont simplement mis en valeur des effets observés dans d’autres pays ».
La décision de la mairesse Manuela Carmena de réduire le trafic à Madrid a déclenché une vive polémique, relayée par des négationnistes du climat. La porte-parole du Parti Populaire (« Partido Popular », un parti libéral conservateur) de la ville, Esperanza Aguirre, a rétorqué que les mesures prises par « Ahora Madrid » ont « pour objectif idéologique de s’opposer aux voitures ».
La nouvelle étude porte la signature de quatre scientifiques de l’Ecole Nationale de Santé, qui dépend de l’Institut de Santé Carlos III, à Madrid. C’est le principal organisme publique d’investigation biomédicale en Espagne, rattaché aux ministères de l’Economie et de la Santé.
Jusqu’à 92 000 décès en dix ans pour tous les types de pollutions
Les données préliminaires de l’équipe dirigée par Julio Diaz jugent à 9 200 le nombre de décès prématurés attribués chaque année à la pollution à court terme. Ils seront 92 000 en une décennie. En plus des 2 700 décès annuels dus à la pollution aux particules, il faudra ajouter les 6 000 victimes des effets nocifs du dioxyde d’azote, et quelque 500 supplémentaires touchés par les concentrations d’ozone.
Le nombre de décès prématurés à la pollution représente huit fois le nombre de personnes tuées dans les accidents de la route en 2015 en Espagne, selon les auteurs de l’étude.
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