Cette semaine dans “Jeu de cartes” nous nous intéressons aux travaux d’une équipe de scientifiques de l’université d’Oxford, au Royaume-Uni, et de l’université de Tel-Aviv, en Israël, qui se sont lancés dans le projet, très ambitieux, de mettre au point ce qu’ils appellent un “atlas de la vie”. Le principe ? Combiner une carte de leur cru, répertoriant les différents reptiles vivant sur Terre, avec des cartes plus anciennes faisant la même chose pour les oiseaux, les mammifères et les amphibiens. Ils ont ainsi obtenu une série de cartes répertoriant la majorité des vertébrés du monde, étant capables de mettre en lumière des aires géographiques qu’il serait, selon eux, absolument vital de protéger. Ils ont dévoilé leurs trouvailles le 9 octobre dans la revue scientifique Nature Ecology and Evolution.
Ils ont tout d’abord comblé un manque en créant le premier atlas mondial des reptiles, qui répertorie à ce jour plus de 10 000 espèces de serpents, lézards et autres tortues. Aujourd’hui, une équipe de 39 chercheurs, fruit d’une collaboration entre l’université britannique d’Oxford et l’université israélienne de Tel-Aviv, voit encore plus grand en dévoilant une série de cartes répertoriant une part importante des vertébrés connus (NDLR, les animaux ayant une colonne vertébrale ; il s’agit d’un sous-embranchement du règne animal composé d’environ 50 000 espèces) de notre planète bleue. Un travail publié il y a quelques jours dans la revue scientifique Nature Ecology and Evolution.
Le résultat (voir la carte ci-dessous) est certainement ce qui se rapproche le plus à l’heure actuelle d’une carte exhaustive des tétrapodes (NDLR, les vertébrés appartenant à l’une des classes dont les représentants ont ordinairement deux paires de pattes adaptées à la locomotion terrestre) du globe :
L’échelle graphique (à gauche) indique la “richesse en espèces”. Les zones grises indiquent ainsi les régions terrestres dont ces dernières sont absentes. Les zones en bleu désignent celles avec moins d’espèces et les zones en rouge celles avec plus d’espèces. Sont ici répertoriées près de 31 000 espèces cousines de l’homme. Aux rangs de celles-ci, quelque 5000 mammifères, 10 000 oiseaux et 6000 grenouilles et autres salamandres.
Pour arriver à ce résultat, les chercheurs expliquent avoir tout d’abord répertorié puis cartographié l’emplacement de quelque 10 000 espèces de reptiles du monde — une tâche jugée jusqu’alors particulièrement difficile étant donné que de nombreuses espèces de reptiles demeuraient encore récemment mal ou peu connues. Ils ont ensuite combiné leurs travaux avec des cartes, qui existaient déjà depuis 2006, proposant quelque chose de similaire pour les espèces d’oiseaux, de mammifères et d’amphibiens.
Comme l’explique un récent article du Daily Mail, les chercheurs ont ainsi pu mettre en lumière l’existence de zones où il conviendrait de prendre au plus vite des mesures de conservation. Comme ils l’expliquent, pour protéger la vie sauvage du mieux possible, il est crucial de savoir où vivent les différentes espèces afin de pouvoir utiliser au mieux des ressources limitées, faute de financement.
Ces cartes devraient permettre aux défenseurs de l’environnement de revoir leur copie en matière d’efforts à faire pour protéger la biodiversité. « Grâce à des outils comme notre atlas, les scientifiques peuvent pour la première fois regarder la Terre dans son entièreté, et prendre des décisions informées quant à la manière d’utiliser les ressources à leur disposition le plus efficacement possible », commente Richard Grenyer, professeur associé du département de Biodiversité et Biogéographie de l’université d’Oxford, l’un des coauteurs de l’étude, dans les pages du quotidien britannique.
En effet, les chercheurs ont notamment déterminé que chez les reptiles, les tendances et les zones où la biodiversité est particulièrement fragile ne sont pas forcément celles que l’on imaginait.
Les cartes ci-dessus illustrent la « richesse en espèces » de reptiles dans le monde (b), celle en lézards (c), en serpents (d) et enfin en tortues (e). Encore une fois, les zones grises représentent celles d’où sont totalement absentes les espèces d’un groupe particulier, les zones rouges celles de grande diversité et les zones bleues celles de faible diversité. Remarquons enfin que les échelles varient fortement selon les espèces étudiées.
Il apparaît de manière flagrante que la péninsule Arabique, l’Afrique du Nord, l’Afrique du Sud, les steppes d’Asie, les déserts australiens, ainsi qu’une partie des garrigues brésiliennes et des Andes présentent de faibles diversités des espèces. Quelque chose qui pourrait sembler contre-intuitif, dans la mesure où certains de ces reptiles, comme les lézards, tendent à aimer les endroits chauds et secs. “Tant de ces nouvelles zones prioritaires se situent dans des terres arides et des déserts”, commente dans les pages du Daily Mail Uri Roll, un chercheur de l’université israélienne Ben Gourion du Néguev et principal auteur de l’étude. “[Ces zones] n’ont pas tendance à être prioritaires pour les oiseaux et les mammifères, donc nous ne pouvions pas deviner à l’avance leur emplacement”.
Richard Grenyer ajoute : “D’un côté, trouver des zones vitales dans les régions arides est une bonne chose. Cependant, beaucoup d’activités modernes prennent aussi place dans les déserts et les terres arides, comme des projets majeurs d’irrigation, d’énormes projets de développement de l’énergie solaire, et parfois des dégradations des sols généralisées, des guerres et des conflits. Cela rend très difficile le travail des défenseurs de l’environnement.”.
L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature ; en anglais IUCN2 Red List) a déclaré être en train de classifier et d’incorporer les nouvelles espèces répertoriées sur ces cartes. Une fois cette tâche terminée, elle devrait publier une carte interactive qui sera librement accessible au public.
Pour leur part, les auteurs de l’étude disent espérer que cette nouvelle ressource permettra aux différents acteurs concernés, ce qui englobe les pays et les organisations de protection de l’environnement en passant par les commerces et même les particuliers, de mieux comprendre la biodiversité qui existe dans leur environnement, son importance et ce qu’ils peuvent faire pour mieux la protéger.
Le sujet vous intéresse ? Nous vous invitons à consulter directement les résultats de l’étude publiée le 9 octobre dans la revue scientifique Nature Ecology and Evolution. Nous vous invitons également à vous balader sur le site très complet de l’UICN : ici. Bonne lecture.
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