En Allemagne, les femmes gagnent en moyenne 21% de moins que les hommes. Une exception cependant : l’est du pays. Dans les régions de l’ancienne Allemagne de l’Est, les hommes ne gagnent en moyenne que 8% de plus que les femmes.

L’Allemagne fonctionne à deux vitesses en matière d’égalité salariale. C’est en tout cas ce que laisse à penser un récent article paru sur le site Internet de Public Radio International (PRI) selon lequel, dans les régions qui constituaient il y a trente ans la République démocratique allemande (RDA), la condition de la femme sur le marché du travail tend à s’avérer meilleure que dans l’ouest. En effet, les Allemandes à temps plein y gagnent en moyenne 8% de moins que leurs homologues masculins, contre un écart moyen de 21% à l’échelle nationale, selon des chiffres de l’année 2015.
Rappelons que dans son ensemble, l’Allemagne est loin d’être un modèle de réussite en Europe en matière de parité. En 2015, elle se situait d’ailleurs largement au-dessus de la moyenne de la plupart des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont la majorité présente des écarts de salaires pour les travailleurs à temps plein allant de 10 à 20 %.
Comment expliquer une telle différence au sein d’un même pays ? À en croire PRI, subsistent encore dans les régions de l’ex-Allemagne de l’Est les effets d’une politique d’État qui encourageait les femmes à travailler à temps plein. Cette dernière serait devenue une habitude si bien enracinée, qu’elle est maintenant partie intégrante de la culture de cette partie du pays. Sa société s’en est trouvée si radicalement changée que, des années après la chute du mur, les femmes continuent de ne généralement pas y subir la même pression sociale que leurs homologues de l’ouest — celle qui les pousse à rester à la maison, ou à ne travailler qu’à mi-temps, lorsqu’elles ont des enfants en bas âge.
Le média américain interroge ainsi Ute Frey, une Allemande ayant grandi à Berlin Est dans les années 70. Elle explique que pour elle, avoir des enfants et un travail à temps plein a toujours été une évidence : « C’était un acquis […] et c’est toujours un acquis pour moi qu’en tant que femme, avec ou sans enfant, tu vas au travail ».
Autre son de cloche lorsque PRI s’entretient avec une Allemande ayant grandi de l’autre côté du mur dans les années 80, Melanie Alperstaedt, une employée du Musée RDA (NDLR, un musée de la ville de Berlin qui retrace l’histoire de la vie quotidienne dans l’ancienne République démocratique allemande). À l’inverse, cette dernière explique que pour elle aspirer à devenir une femme au foyer était tout simplement « normal » dans son enfance. Elle raconte avoir été choquée le jour où elle a appris que les choses se passaient autrement dans l’est du pays : « J’étais si surprise, parce que j’ai grandi dans une société complètement différente ».
Il convient bien sûr de rappeler que la vie était loin d’être facile en Allemagne de l’Est et n’avait rien d’une utopie féministe… Si les femmes y avaient en moyenne plus d’indépendance qu’à l’ouest, notamment grâce à l’existence d’une approche non-sexiste dans bien des domaines, cela ne les empêchait pas d’avoir la charge de la majorité des tâches domestiques et de gagner moins que leurs homologues masculins. Sans mentionner les innombrables problèmes liés à la vie dans un régime autoritaire. « Les politiciens ne s’intéressaient pas beaucoup à l’égalité. Ils avaient besoin de femmes pour travailler dans l’industrie, dans l’économie et donc ils les encourageaient à travailler », résume Melanie Alperstaedt.
Il demeure néanmoins intéressant de remarquer que presque trente ans après la chute du mur de Berlin, les Allemandes de l’est du pays continuent d’être plus susceptibles de travailler à plein temps et de placer leurs jeunes enfants en garderie. Un phénomène observable également chez celles qui travaillent à mi-temps, dans la mesure où elles tendent à travailler plus longtemps que les Allemandes de l’ouest du pays dans la même situation. Reste maintenant à voir si l’est de l’Allemagne continuera à garder cette spécificité sur le long terme.
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