[Jeu de cartes] Les armes nuclĂ©aires dans le monde en 2017 🔒

Cette semaine dans “Jeu de cartes” nous vous proposons de dresser un rapide Ă©tat des lieux des armes nuclĂ©aires dans le monde. À l’heure oĂč la terre entiĂšre s’inquiĂšte des tensions croissantes avec la CorĂ©e du Nord, il semble en effet lĂ©gitime de se demander oĂč se trouvent les quelque 15 000 armes nuclĂ©aires rĂ©pertoriĂ©es dans le monde.

Un essai d'arme atomique menĂ© par les États-Unis Ă  proximitĂ© de l'atoll de Bikini, dans les Ăźles Marshall. (Photo Flickr/ International Campaign to Abolish Nuclear Weapons)
Un essai d’arme atomique menĂ© par les États-Unis Ă  proximitĂ© de l’atoll de Bikini, dans les Ăźles Marshall.
(Photo Flickr/ International Campaign to Abolish Nuclear Weapons)

Une bonne nouvelle pour commencer : cela fait plusieurs annĂ©es que le nombre d’armes nuclĂ©aires dans le monde diminue. De prĂšs de 70 300 Ă  la fin de la guerre froide, en 1986, nous sommes passĂ©s Ă  environ 14 900 armes nuclĂ©aires dĂ©but 2017, selon les estimations de la FĂ©dĂ©ration des scientifiques amĂ©ricains (FAS), une ONG fondĂ©e en 1945 par des chercheurs du Projet Manhattan qui considĂ©rent que les scientifiques ont l’obligation morale de partager leurs connaissances et savoirs afin de peser sur les grandes dĂ©cisions nationales. Ces estimations se rapprochent fortement de celles de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), un institut d’Ă©tudes stratĂ©giques dont la tĂąche principale est d’effectuer des Ă©tudes scientifiques sur l’importance des conflits et de la coopĂ©ration pour la paix mondiale, qui Ă©voquait pour sa part 14 935 armes nuclĂ©aires dĂ©but 2017.

MalgrĂ© cette tendance, deux problĂšmes subsistent selon la FAS : premiĂšrement, la diminution du nombre d’armes nuclĂ©aires s’est considĂ©rablement ralenti depuis la fin des annĂ©es 1990 — au lieu de prĂ©voir un dĂ©sarmement complet, les pays dotĂ©s de l’arme nuclĂ©aire donnent l’impression de vouloir conserver des arsenaux consĂ©quents dans un avenir proche ; deuxiĂšmement, les armes nuclĂ©aires d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose Ă  voir avec celles du XXe siĂšcle et sont Ă  la fois bien plus modernes et potentiellement bien plus dĂ©vastatrices.

Mais qui sont donc les États qui possĂšdent les tĂȘtes nuclĂ©aires rĂ©pertoriĂ©es ? La carte ci-dessous, rĂ©alisĂ©e par les Ă©quipes de Business Insider en dĂ©but d’annĂ©e en se basant sur les donnĂ©es de la FAS et du SIPRI, nous permet de nous en faire une idĂ©e un peu plus prĂ©cise :

PremiĂšre observation : les armes nuclĂ©aires indiquĂ©es ci-dessus sont rĂ©parties entre neuf pays seulement : la Chine, la CorĂ©e du Nord, les États-Unis, la France, l’Inde, IsraĂ«l, le Pakistan, le Royaume-Uni et enfin la Russie. Si le nombre de tĂȘtes nuclĂ©aires possĂ©dĂ©es par six de ces pays est relativement bien documentĂ©, il existe une plus grande incertitude en ce qui concerne IsraĂ«l — qui rappelons-le, possĂšde la bombe de façon non officielle —, la Chine et surtout la CorĂ©e du Nord — dans le cas de ce dernier pays, il est impossible de vĂ©ritablement savoir combien d’armes nuclĂ©aires sont prĂȘtes Ă  l’utilisation.

De plus, un certain nombre de pays, comme l’Inde ou encore le Pakistan sont soupçonnĂ©s d’avoir dans leur arsenal des tĂȘtes nuclĂ©aires n’Ă©tant volontairement pas assemblĂ©es — mais qui pourraient l’ĂȘtre trĂšs rapidement en cas de conflit. Le FAS considĂšre qu’il pourrait y en avoir entre 120 et 130 au Pakistan et entre 110et 120 en Inde.

Si l’immense majoritĂ© (93%) de ces armes est dĂ©tenue par deux pays (les États-Unis, avec 6780 armes nuclĂ©aires, et la Russie, qui en dĂ©tient environ 7000), nous pouvons remarquer que la France, avec 300 missiles et tĂȘtes nuclĂ©aires est le pays le mieux armĂ© d’Europe en la matiĂšre. Pour en savoir plus sur l’arsenal nuclĂ©aire français, qui constitue ce que l’on appelle la “force de dissuasion nuclĂ©aire française”, nous vous invitons Ă  consulter cet article trĂšs complet des DĂ©codeurs du Monde datĂ© de 2015. La seule autre puissance europĂ©enne nuclĂ©aire Ă©tant le Royaume-Uni avec 215 armes nuclĂ©aires.

Estimation du nombre de tĂȘtes nuclĂ©aires dans le monde en 2017. (Source  FAS) cliquez pour agrandir
Inventaire du nombre de tĂȘtes nuclĂ©aires dans le monde entre 1945 et 2017.
(Source  FAS)
cliquez pour agrandir

L’infographie ci-dessus permet de visualiser diffĂ©remment la rĂ©partition des armes nuclĂ©aires entre ces diffĂ©rents pays. Comme le prĂ©cise la FAS, 9400 de ces tĂȘtes nuclĂ©aires restent prĂ©sentes d’une maniĂšre ou d’une autre dans les arsenaux des diffĂ©rents pays. Le reste attend d’ĂȘtre dĂ©mantelĂ©. La FAS prĂ©cise Ă©galement qu’au total 3900 d’entre elles sont prĂ©sentes « sur le terrain », c’est-Ă -dire qu’elles sont dĂ©ployĂ©es avec des forces opĂ©rationnelles. Parmi celles-ci, 1800 armes nuclĂ©aires amĂ©ricaines, russes, britanniques et françaises sont mĂȘme placĂ©es en Ă©tat d’alerte avancĂ©e, ce qui signifie qu’elles peuvent ĂȘtre utilisĂ©es dans un dĂ©lai trĂšs court.

De nos jours, avec la nuclĂ©arisation de Pyongyang, qui semble difficile Ă  arrĂȘter, et la menace de la part de Washington de se retirer de l’accord nuclĂ©aire iranien de 2015, les progrĂšs en matiĂšre de dĂ©sarmement rĂ©alisĂ©s depuis la fin de la guerre froide semblent bien ralentis. Ce faisant, on en oublierait presque que l’ONU a votĂ©, en juillet dernier, un traitĂ© interdisant l’arme nuclĂ©aire. Il a depuis Ă©tĂ© signĂ© par une cinquantaine d’États.

Il convient de noter que les puissances nuclĂ©aires — dont la France, mais aussi les États-Unis ou encore le Royaume-Uni — ont boycottĂ© cette initiative qu’elles jugent « idĂ©ologique Â» et contraire aux efforts de dĂ©sarmement. Elles se disent inquiĂštes Ă  l’idĂ©e que ce nouveau texte ne vienne faire concurrence au TraitĂ© sur la non-prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires (TNP). SignĂ© en 1968, il vise Ă  diminuer le risque que l’arme nuclĂ©aire se rĂ©pande Ă  travers le monde. Son application est garantie par l’Agence internationale de l’Ă©nergie atomique (AIEA). Les pays l’ayant signĂ© sont visibles sur la carte ci-dessous :

(CrĂ©dit WikipĂ©dia/ Allstar86)
(CrĂ©dit WikipĂ©dia/ Allstar86)

En vert clair, on retrouve les pays ayant Ă  la fois signĂ© et ratifiĂ© le traitĂ© ; en vert foncĂ©, les pays l’ayant simplement signĂ© ; en orange, les pays s’en Ă©tant retirĂ© ; enfin en rouge, les pays ne l’ayant jamais signĂ©. Nous pouvons constater qu’un seul pays, la CorĂ©e du Nord, s’en est retirĂ© (unilatĂ©ralement en 2003) et que quatre pays ne l’ont jamais signĂ© : l’Inde, IsraĂ«l, le Pakistan et enfin le Soudan du Sud.

Une chose est sĂ»re, il existe de nos jours un vif dĂ©bat concernant l’avenir du TNP. Certains appellent Ă  son renforcement. D’autres considĂšrent qu’il est d’ores et dĂ©jĂ  obsolĂšte et menacĂ© par la concurrence du nouveau traitĂ© visant l’interdiction des armes nuclĂ©aires. Selon Antoine Bondaz, un politologue interrogĂ© rĂ©cemment par le Figaro, “si un nouvel État se nuclĂ©arise, le rĂ©gime de non-prolifĂ©ration risque de s’effondrer”. Le chercheur s’inquiĂšte d’ailleurs du risque d’un “effet domino du cĂŽtĂ© le Japon et la CorĂ©e du Sud”, particuliĂšrement inquiets des agissements de leur voisin nord-corĂ©en, “si ceux-ci venaient Ă  douter des garanties de sĂ©curitĂ© amĂ©ricaines”. En d’autres termes, il craint que ces deux pays n’en viennent Ă©galement Ă  vouloir s’armer nuclĂ©airement.

La prolifĂ©ration de l’arme nuclĂ©aire aura-t-elle lieu ? Vaste question. En revanche, nous souhaiterions orienter les amateurs de cartes vers une derniĂšre ressource qui permet d’illustrer visuellement les ravages que pourraient faire les armes nuclĂ©aires. Il s’agit de Nukemap, une ressource mise Ă  la disposition du public en fĂ©vrier dernier par Alex Wellerstein, un historien scientifique spĂ©cialisĂ© dans les armes nuclĂ©aires. Elle permet tout simplement de visualiser les dĂ©gĂąts que pourrait engendrer une bombe atomique n’importe oĂč dans le monde. L’utilisateur peut ainsi choisir un type de bombe et sĂ©lectionner un lieu prĂ©cis. AprĂšs avoir dĂ©clenchĂ© l’impact, il obtient des informations quant Ă  la taille du rayonnement nuclĂ©aire, mais aussi le taux de mortalitĂ©, la durĂ©e des impacts et d’autres statistiques (NDLR, niveau de dĂ©molition des bĂątiments, radiations, etc.). Un excellent moyen de faire prendre conscience aux gens de ce que signifierait une explosion nuclĂ©aire.

Le sujet vous intĂ©resse ? Pour les anglophones, nous vous invitons Ă  consulter directement les sites de FĂ©dĂ©ration des scientifiques amĂ©ricains (FAS) et de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Vous pouvez Ă©galement consulter le texte intĂ©gral du TNP sur le site de l’ONU. Enfin, si cela vous intĂ©resse n’hĂ©sitez pas Ă  aller jeter un coup d’Ɠil Ă  l’excellente Nukemap d’Alex Wellerstein. Bonne lecture.

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