Cette semaine dans « Jeu de cartes », notre chronique hebdomadaire toute en cartes, nous avons décidé de passer en revue quelques outils permettant de rendre plus concrète la menace que la pollution atmosphérique fait peser sur la santé des habitants d’Europe et du monde
En octobre dernier, un rapport de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) nous apprenait que la pollution de l’air continue de causer plus de 500 000 morts par an en Europe. S’il semble que la qualité de l’air s’améliore lentement, un grand nombre de pays continuent de dépasser les normes en vigueur. En résulte un bilan macabre : en 2014, 520 400 personnes seraient mortes prématurément (avant 65 ans) dans 41 pays d’Europe, dont 487 600 rien que dans l’Union européenne (UE), comme le révélait alors Le Monde.
Afin d’obtenir ces résultats et déterminer l’impact de cette pollution sur la santé des Européens, l’AEE explique avoir utilisé des données démographiques et épidémiologiques qu’elle a ensuite croisées avec les mesures des concentrations de polluants obtenues grâce à plus de 2 500 stations réparties sur le continent. Sans surprise, les polluants les plus toxiques se révèlent être les particules fines de type PM2,5 (soit celles d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres), qui causent chaque année 428 000 victimes européennes. Suivent le dioxyde d’azote (NO2) puis l’ozone (O3), respectivement responsables de 78 000 décès et 14 000 décès.
La France fait tristement partie du top 5 des pays où l’on décompte le plus de victimes. Avec 45 840 décès imputables à la pollution atmosphérique, elle arrive en cinquième position, derrière l’Allemagne (81 160 morts), l’Italie (79 820), le Royaume-Uni (52 240) et enfin la Pologne (48 690), qui est le pays de l’UE le plus gravement touché en rapport à sa population.
Quelques semaines après la publication du rapport, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) faisait de nouveau parler d’elle. S’associant pour l’occasion à la Commission européenne, elle venait de mettre en ligne une carte interactive, se basant sur les données de quelque 2000 stations de surveillance, permettant de connaître la qualité de l’air en Europe. En plus d’être actualisée heure par heure, cette carte a également le mérite de nous permettre de connaître les différents niveaux de pollution aux particules fines, mais aussi à l’ozone.
L’objectif de cet « indice européen de la qualité de l’air » est d’informer, mais aussi de mobiliser le grand public contre ce « tueur invisible », expliquait Hans Bruyninckx, le directeur exécutif de l’AEE, à La Croix. « Ces informations, accessibles à tous, constituent une base importante pour un dialogue et pour les décisions nécessaires pour préserver la santé des citoyens, surtout dans les villes », ajoutait-il.
Bien sûr, le problème de la pollution atmosphérique est loin de s’arrêter aux frontières de l’Europe. Tout comme l’AEE, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a de cesse de le répéter : la pollution de l’air, qu’elle définit comme « la contamination de l’environnement intérieur ou extérieur par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques naturelles de l’atmosphère », n’est pas à prendre à la légère dans la mesure où elle entraîne, entre autres, une gamme de maladies respiratoires pouvant se révéler mortelles.
Si tout cela continue de vous sembler abstrait, les résultats des recherches d’une équipe internationale de chercheurs originaires des États-Unis, d’Israël et de Chine, publiés pour la première fois en septembre dernier dans la revue scientifique américaine Proceedings of National Academy of Sciences journal, vous permettront peut-être d’y voir un peu plus clair.
Les chercheurs ont examiné les données de 154 villes chinoises entre 1982 et 2012 et les ont comparées avec les données sur la mortalité, concernant 78 millions de personnes, dans ces zones. Résultat : ils ont eux aussi pu établir que la pollution atmosphérique (mesurée ici à travers le PM10, soit les particules d’un diamètre inférieur à 10 micromètres) réduisait dans ces zones l’espérance de vie des habitants de plus de trois ans en moyenne. Chaque 10µg/m³ de PM10 dans l’air supplémentaire réduirait d’environ sept mois l’espérance de vie. « Les résultats montrent […] que l’exposition à long terme à une forme particulière de pollution atmosphérique entraîne une basse substantielle de l’espérance de vie », commentait ainsi Michael Greenstone, l’un des auteurs de l’étude et directeur de l’Energy Policy Institute (EPIC) de l’université de Chicago, dans les colonnes de Quartz.
C’est en se basant sur les résultats de cette première étude qu’il a développé avec ses collègues l’Air Quality-Life Index (AQLI). Cet outil vise à présenter de manière tangible l’impact d’une mauvaise qualité de l’air sur la santé. Ainsi, l’EPIC a mis au point une admirable carte interactive (voir capture d’écran ci-dessous) qui indique non pas les niveaux de pollution (ce qui parle à peu de monde), mais bien le nombre d’années supplémentaires que les populations des régions polluées pourraient espérer vivre en moyenne si les standards de la qualité de l’air de l’OMS (très stricts) y étaient respectés :
Le code couleur est relativement simple. Plus l’on tend vers le noir, plus l’espérance de vie de la population pourrait s’allonger si les standards de l’OMS étaient respectés. Remarquons que les chercheurs se sont cette fois-ci basés sur les particules fines de type PM2,5 (déjà citées au début de cette chronique). Ils estiment que chaque 10µg/m³ de PM2,5 dans l’air réduirait l’espérance de vie d’un an en moyenne.
Le constat est sans appel. De plus, si l’Inde ou la Chine apparaissent particulièrement touchées, nous constatons que les taux de concentration en PM2,5 réduisent tout de même de plus six mois l’espérance de vie des habitants de la région Île de France, exception faite des Yvelines qui semblent légèrement moins polluées. Toujours en Europe, la situation apparaît particulièrement dramatique en Pologne, où elle réduit en moyenne l’espérance de vie de la pollution d’un an et quatre mois. Interrogé par Quartz, Greenstone précise enfin qu’il est probable que la pollution « affecte également le bien-être des gens lorsqu’ils sont encore en vie, ce que l’étude ne montre pas », il évoque notamment l’aggravation des maladies respiratoires causée par la pollution.
Le sujet vous intéresse ? Nous vous invitons à consulter le site de l’OMS où de nombreuses informations sur le sujet sont disponibles. Pour les anglophones, le site de l’Air Quality-Life Index est accessible ici et celui de l’Indice européen de la qualité de l’air là. Bonne lecture et bonnes fêtes de fin d’année.
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