Quels sont les pays les moins touchés par le chômage ?

Il y a quelques semaines, certains médias français s’étonnaient de la forte baisse du chômage enregistrée fin 2017. À la rédaction, nous y avons vu une occasion de remettre les choses en perspective en expliquant, comme toujours à l’aide de cartes, comment le chômage est calculé en France, avant d’aller voir les résultats d’autres pays dans ce domaine.

(photo flickr/Metropolitan Transportation Administration)
(photo flickr/Metropolitan Transportation Administration)

Nous apprenions la semaine dernière que selon l’Institut national de la statistique (Insee), le taux de chômage devrait se stabiliser à 8,9% d’ici à la mi-2018 en France (hors Mayotte). En effet, à en croire cet institut chargé de la production, de l’analyse et de la publication des statistiques officielles dans le pays, l’économie française devrait créer près de 110 000 emplois au premier semestre 2018. Cela devrait tout juste suffire à absorber la hausse de la population active.

Cette annonce fait suite à la baisse de cet indicateur fin 2017. Ainsi, la France ne comptait plus que 2 502 000 chômeurs au quatrième trimestre 2017 (2 663 000 avec les DOM), soit 205 000 de moins en trois mois, ce qui avait amené certains journaux à titrer le mois dernier que le taux de chômage en France avait atteint son plus bas niveau en huit ans.

Pourtant, saviez-vous qu’il existe plusieurs manières de calculer le chômage ? Comme l’explique un billet publié sur le site du think tank libéral Ifrap, la première, celle du Bureau international du travail (BIT) est privilégiée par l’Insee. Elle se fonde sur une enquête trimestrielle qui contacte peu ou prou 50 000 logements et sert de base aux comparaisons internationales. Ainsi, elle « décompte les chômeurs n’ayant pas du tout travaillé pendant la période considérée, disponibles dans les deux semaines et en recherche active d’emploi ».

Il en existe cependant une autre, qui décompte tout simplement les inscrits, divisés en cinq catégories distinctes, à Pôle emploi. Parmi celles-ci, la catégorie A, qui « rassemble les chômeurs n’ayant pas du tout travaillé, mais sans condition de disponibilité et avec un critère de recherche apprécié par Pôle emploi ». C’est elle qui se rapproche le plus de ce chômage dont parle l’Insee.

D’un côté, nous avons donc des estimations tirées d’une enquête. De l’autre, un décompte mathématique d’inscriptions dont une partie au moins n’est plus à jour. La baisse du chômage annoncée par l’Insee reste donc logiquement invisible dans le décompte du Pôle emploi.

En conclusion, ces deux définitions du chômage souffrent donc d’approximations. Celle du BIT apparaît néanmoins comme plus « scientifique » — c’est d’ailleurs elle qu’ont adoptée la plupart des pays de l’OCDE. Problème : en France, essentiellement pour des raisons de coûts élevés, l’Insee s’avère à l’heure actuelle incapable de fournir une information mensuelle, ce qui limite son utilité.

(Source  Insee)
(Source  Insee)
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Poursuivons cette chronique avec une carte bien française, réalisée par l’Insee. Elle indique le chômage localisé (par région) au 3e trimestre 2017 en France. Plus une zone y apparaît dans une couleur foncée, plus le taux de chômage, selon la méthode de calcul de l’Insee, y est important.

On constate très rapidement que le chômage ne frappe pas toutes les régions de la même façon. Le taux de chômage régional au troisième trimestre de l’année 2017 en France varie de 8,1% (Pays de la Loire) à 11,9% (Hauts-de-France) de la population active. À noter que les départements d’outre-mer, qui n’apparaissent pas sur notre carte, atteignent des taux supérieurs à 19%, voire 27% pour La Réunion…

À noter qu’il existe des statistiques, régionales et nationales, plus récentes que nous ne mentionnons pas ici. La raison ? Elles demeurent pour l’heure des estimations que l’Insee sera probablement amené à revoir dans les prochains mois.

Nous ajouterons enfin que la Bretagne s’est illustrée comme la région affichant le plus faible différentiel entre les taux de chômage (mais aussi d’emploi) des femmes et des hommes — quatre départements bretons affichent des écarts de taux de chômage entre femmes et hommes inférieurs à 1,5 point.

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TOP 30 des pays avec les taux de chômage les plus et moins élevés du monde.
(Source  CIA World Factbook)
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La carte suivante permet de remettre les choses en perspective en s’intéressant au taux de chômage dans les différents pays du monde. Réalisée par Andras Borzsonyi, du site Facts Maps, elle se base sur les dernières données du CIA World Factbook (NDLR, une publication annuelle officielle de la CIA qui fourni des informations géographiques, démographiques, politiques, économiques, ainsi que des communications et militaire détaillées sur les différents pays du monde) en la matière, collectées selon les pays entre 1997 et 2017.

En vert apparaissent les pays qui constituent le TOP 30 des pays avec le taux de chômage le plus bas. Ce qui saute immédiatement aux yeux, c’est que le chômage semble quasiment inexistant (inférieur à 1%) dans une poignée de pays, dont le Cambodge (0,1%), le Qatar (0,6%) la Thaïlande (0,7%) ou encore la Biélorussie (1%), quatre pays dont les données sont à jour (2017). Il convient néanmoins de préciser que ces chiffres, qui ont de quoi faire rêver le gouvernement français, ne veulent pas dire que ces pays ont atteint le plein emploi. En effet, dans trois des cas (Biélorussie, Cambodge, Qatar), la « structure économique et le marché du travail » sont « incomparables avec une économie ouverte », comme l’expliquait il n’y a pas si longtemps Damien Durand, journaliste indépendant spécialisé sur les questions politiques, économiques et sociales en Asie de l’Est et au Japon, dans un article publié sur Slate. Quid de la Thaïlande — pays dont la population est semblable à celle de la France, avec 67 millions de personnes —, me direz-vous ? Là encore, la réponse s’avère décevante : « l’outil statistique national mesure le taux de chômage en usant de méthodes très favorables à un chiffre bas ». Circulez, point de miracle ici.

Jetons maintenant un rapide coup d’œil aux pays qui affichent les taux de chômage les plus élevés. Les chiffres du TOP 3 se montrent particulièrement alarmants. En tête, le Zimbabwe où le chômage dépasse les 95% de la population active (données en date de 2014). Non, ce n’est malheureusement pas une erreur, avec une économie toujours confrontée à de nombreux défis structurels, auxquels s’ajoute une forte dette publique, le pays au taux de chômage le plus élevé du monde est aussi l’un des États les plus pauvres de la planète. Pour rappel, 4,1 millions de personnes y seraient en situation d’insécurité alimentaire, selon la FAO.

En deuxième position, on retrouve le Burkina Faso avec 77% de chômage (avertissement : ce chiffre daterait de 2004. Reste que le chômage, qui touche essentiellement les jeunes burkinabés, demeure indubitablement un problème de taille dans le pays. Selon une étude du Groupe de recherche et d’analyses appliquées pour le développement (GRAAD), environ 51% des jeunes âgés de 15 à 29 ans seraient sans emploi. Enfin, le taux de chômage atteint les 50% en Syrie (estimations en date de 2017). Des chiffres qui n’ont malheureusement rien de bien étonnant dans un pays qui demeure déchiré par une guerre interne depuis 2011.

Comme vous l’aurez certainement remarqué, la France ne se place ni parmi les 30 meilleurs élèves en la matière ni dans les derniers de la classe. Précisons également que le taux de chômage français pris en compte est ici celui de l’Insee.

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« Les avancées technologiques menacent les anciens métiers dans l’UE. % d’emplois menacés par l’informatisation et l’automation dans l’UE. »
(Source  Statisca)
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Enfin, pour terminer notre chronique, nous vous proposons de réfléchir non pas au taux de chômage actuel, mais à un phénomène qui pourrait avoir des conséquences très importantes sur ce dernier dans l’avenir. Pour ce faire, nous avons sélectionné une réalisation, quelque peu controversée, du site Statista, qui se définit lui-même comme « un site de statistiques, études de marché et un portail de business intelligence », en date de 2014.

Cette carte s’intéresse à l’informatisation et l’automation et à leur impact en termes de pertes d’emploi dans les pays de l’Union européenne — un sujet dont nous n’avons pas fini d’entendre parler. Là encore, le code couleur est relativement clair. Plus un pays apparaît dans une couleur tendant vers le rouge, plus le nombre d’emplois menacé y serait important.

Soulignons que les informations ne sont plus de premières dates, les données utilisées étant tirées d’une étude britannique de 2013, mais cette carte a au moins le mérite d’interpeller. En effet, un rapide coup d’œil suffit à nous apprendre que près de 50% des emplois de l’Union seraient menacés. Notre pays s’en sortirait néanmoins mieux qu’une bonne partie de ses voisins. Ainsi, en Europe centrale, la moyenne se situerait plutôt à 55%.

Cependant, comme le rappelait récemment un journaliste de la rubrique Pixels du Monde, il convient d’insister sur le fait qu’il existe une multiplicité d’études sérieuses à ce sujet qui ont tendance à se contredire. De fait, en 2016, une autre étude de l’OCDE affirmait que seuls 9% des emplois européens étaient menacés dans les vingt et un pays la composant. En réalité, il est bien impossible de prédire avec exactitude l’impact de l’automatisation sur l’emploi, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas urgent d’y réfléchir.

Le sujet vous intéresse ? Nous vous invitons à consulter le site de l’Insee pour accéder à l’ensemble des statistiques sur la chômage en France. Les données du CIA World Factbook sont librement accessibles à cette adresse. L’étude des chercheurs d’Oxford sur l’impact de la mécanisation est disponible ici et celle de l’OCDE . Rappelons qu’il y aurait encore énormément à dire sur le chômage et ses méthodes de calcul. Cette chronique ne prétend aucunement être exhaustive. Bonne lecture.

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