Cette semaine dans [Jeu de cartes], nous vous proposons une plongĂ©e Ă vingt mille lieues sous les mers. Rassurez-vous, il n’est pas question ici de revisiter le cĂ©lèbre roman d’aventures de Jules Verne, mais d’en apprendre davantage sur le colossal rĂ©seau de câbles sous-marins sur lequel repose, entre autres, une grande partie de l’ossature de l’Internet mondial.

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(Crédit Ben Pollock)
Saviez-vous que de nos jours l’essentiel des tĂ©lĂ©communications (et par consĂ©quent l’essentiel de l’Internet mondial) continue de transiter par des câbles sous-marins ? Devant son Ă©cran, il est facile de s’imaginer que nos Ă©changes en ligne transitent par le biais d’une espèce de rĂ©seau immatĂ©riel et invisible. La rĂ©alitĂ© est pourtant bien diffĂ©rente.
Depuis 1858, et la pose du premier câble tĂ©lĂ©graphique transatlantique au monde, qui reliait alors l’Irlande Ă ce qui allait devenir le Canada, la majeure partie des transmissions d’informations de continent Ă continent, aussi bien en matière de tĂ©lĂ©phonie que d’Internet, repose sur un gigantesque rĂ©seau de câbles sous-marins long de près d’un million de kilomètres.
Bien sĂ»r, la technologie a Ă©voluĂ© avec le temps. En 1956 apparaissaient les premiers câbles sous-marins tĂ©lĂ©phoniques coaxiaux. 32 ans plus tard, avec la pose du câble transatlantique TAT-8, contenant deux paires de fibres optiques, suivaient les câbles sous-marins numĂ©riques. De nos jours, le rĂ©seau est majoritairement constituĂ© de fibres optiques, une technologie qui offre un dĂ©bit d’information largement supĂ©rieur Ă ses prĂ©dĂ©cesseurs (jusqu’Ă 160 tĂ©rabits par seconde). Comme elle peut servir de support Ă un rĂ©seau dit de « large bande », nous nous en servons pour faire transiter des signaux aussi divers que la tĂ©lĂ©vision, le tĂ©lĂ©phone, la visioconfĂ©rence, mais aussi les donnĂ©es informatiques.
La carte stylisĂ©e ci-dessus, rĂ©alisĂ©e par l’Ă©tudiant en architecture Ben Pollock, permet de se faire une idĂ©e plus prĂ©cise de l’Ă©tendue de ce rĂ©seau.
Comme l’expliquait en 2014 Alan Mauldin, le PDG du centre de recherche amĂ©ricain spĂ©cialisĂ© dans les tĂ©lĂ©coms TeleGeography, sur les ondes de CNN : « En ce qui concerne les communications internationales, plus de 99% [du trafic] passe par les câbles sous-marins ». L’homme Ă©tait alors catĂ©gorique : la croyance commune que l’avenir de l’acheminement des donnĂ©es serait Ă trouver du cĂ´tĂ© de satellites, ballons, drones ou autres lasers, ne correspondait pas Ă la rĂ©alitĂ© du terrain. Seulement trois ans plus tard, il n’est pas dit que dans un avenir proche une entreprise comme Apple, Facebook, Google ou encore SpaceX n’arrivera pas Ă le faire mentir.
Face Ă ce grand nombre d’options, il est nĂ©anmoins lĂ©gitime de se demander pourquoi nous continuons Ă utiliser ces câbles. La rĂ©ponse est, comme souvent, Ă trouver du cĂ´tĂ© du porte-monnaie : ils restent encore, en moyenne, moins coĂ»teux que les autres alternatives. MalgrĂ© tout, les coĂ»ts de l’installation de ces câbles, le plus souvent grâce Ă des bateaux se servant de charrues sous-marines pour les enfouir sous le fond de nos mers et ocĂ©ans, demeurent extrĂŞmement importants. Pour vous donner une idĂ©e, de nos jours la pose d’une seule de ces structures entre deux continents reprĂ©sente un investissement qui se chiffre en centaines de millions d’euros.

(Crédit Ben Pollock)
Cependant, ces autoroutes de l’information pourraient se rĂ©vĂ©ler le “maillon faible de la cyberguerre”, comme le rĂ©vĂ©lait un peu plus tĂ´t cette annĂ©e la Radio TĂ©lĂ©vision suisse (RTS). Nombreux sont les experts en sĂ©curitĂ© informatique qui considèrent que les plus de 300 câbles qui composent l’ossature de notre Internet, somme toute très matĂ©rielle, peuvent se rĂ©vĂ©ler hautement faillibles.
Au-delĂ de la menace physique de câbles coupĂ©s — ce qui pourrait dans certains cas extrĂŞmes, comme celui des Ă®les Tonga, toujours reliĂ©es par un seul câble, totalement isoler un pays de l’Internet —, la simple possession de ces “infrastructures informationnelles favorise des activitĂ©s d’écoute, de surveillance ou de renseignement”, ainsi que l’expliquait en mars dernier l’experte en cybersĂ©curitĂ© et professeure Ă HEC UniversitĂ© de Lausanne Solange Ghernaouti, sur le plateau de l’Ă©mission suisse GeoPolitis.
Ă€ l’en croire, si ce sont bien les opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communications (par exemple Orange, Vodafone ou encore le chinois Huawei) qui possèdent les câbles, de nombreux États entretiendraient “une “connivence” avec ces opĂ©rateurs “pour permettre des Ă©coutes””. Depuis les rĂ©vĂ©lations d’Edward Snowden, il a Ă©tĂ© prouvĂ© que certains services de renseignement, comme la NSA, sont capables de collecter les donnĂ©es transitant par ces câbles. La sĂ©curitĂ© de nos donnĂ©es privĂ©es ne tenant vraiment qu’Ă un câble, voici peut-ĂŞtre enfin une bonne raison de nous y intĂ©resser.
Le sujet vous intĂ©resse ? Si comme nous vous ĂŞtes fascinĂ© par l’esthĂ©tique de la carte de Ben Pollock, n’hĂ©sitez pas Ă consulter les travaux d’autres Ă©tudiants visibles sur le site de Geoarchitecture. Pour explorer en dĂ©tail le rĂ©seau de câbles sous-marins, nous vous recommandons d’aller vous perdre dans l’examen de la fantastique carte interactive “Submarine Cable Map” rĂ©gulièrement mise Ă jour par TeleGeography. Enfin, pour mieux comprendre les enjeux de cybersĂ©curitĂ© qui entourent les câbles sous-marins, nous vous invitons Ă regarder l’intĂ©gralitĂ© de l’Ă©mission GeoPolitis de la RTS, ici. Bonne lecture et bon visionnage !
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