Un lobby ukrainien fait pression sur le gouvernement pour que soient détruits 3,7 millions de vaccins contre la poliomyélite. Deux nouveaux cas de la maladie ont pourtant été découverts récemment dans le pays.

(Photo Flickr/ CDC Global)
Un groupe de lobbying fait pression sur Kiev pour que 3,7 millions de vaccins contre la poliomyélite actuellement stockés dans les conteneurs réfrigérés du gouvernement ukrainien soient détruits, rapporte un article du Guardian. Le Conseil pour les droits et la sécurité de tous les patients ukrainiens estime qu’ils ne sont pas conformes aux normes sanitaires du pays. Son président, Viktor Serdyuk, est formel :
« Nous devons absolument détruire ces vaccins, ou les envoyer à des pays plus pauvres ».
Outre le caractère cynique de ces propos, cette réaction laisse planer des doutes quant au bien-fondé d’une telle décision. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ces vaccins seraient parfaitement sains. Dorit Nitzan, à la tête du bureau ukrainien de l’organisation, le répète :
« Ces vaccins sont les meilleurs que vous pourrez obtenir – financés par le Canada et l’Unicef, en plus d’être présélectionnés par l’OMS et Sanofi Pasteur, et d’être fabriqués en France – qu’est-ce que vous voulez de plus ? »
Selon le lobby ukrainien, le véritable problème serait qu’une partie de ces vaccins a été décongelée puis recongelée lors du transport, ce qui va à l’encontre de directives nationales. Cependant, la détermination montrée par ce groupe traduit bien la profonde défiance des Ukrainiens à l’égard des vaccins — et en particulier ceux venus de l’étranger.
La découverte en septembre dernier, en Ukraine, de deux cas de polio chez des enfants, cinq ans après les derniers cas connus en Europe, ne risque pas d’atténuer ce scepticisme. D’autant plus que la contamination trouvait son origine dans les vaccins.
Comme le souligne le site d’information Quartz, il y a toujours un risque que la vaccination contre la poliomyélite, qui implique d’injecter un virus affaibli dans l’organisme de l’enfant, n’entraine la contraction de la maladie. Cela arrive surtout dans les pays où le taux d’immunisation est très faible et où les conditions sanitaires sont mauvaises. Or en Ukraine, seuls 17% des enfants ont été vaccinés contre la polio lors du premier semestre 2015, et ils n’étaient seulement que 50% en 2014, selon les chiffres de l’OMS cités par Sciences et Avenir.
Pourquoi une telle réticence de la part des parents ukrainiens à vacciner leurs enfants ? Selon le Guardian et Sciences et Avenir, ce serait l’une des conséquences de l’état déplorable du système de santé dans le pays. La corruption, qui a longtemps gangrené le pays, a fini par infiltrer le milieu des politiques ainsi que le personnel médical. La prescription de certains médicaments en échange de pots-de-vin, ou encore l’existence de retards répétés dans l’achat de médicaments par l’État ont longtemps constitué des habitudes. Raïssa Bogatyreva, ex-ministre de la Santé du président déchu Viktor Ianoukovitch, est par exemple « accusée par les enquêteurs d’avoir aidé son fils à obtenir un quasi-monopole sur le marché de la livraison de vaccins en Ukraine », comme le rapporte le magazine français.
Prochaine étape, les différents ministres ukrainiens devraient se réunir dans la semaine pour décider du sort de ces quelque 3,7 millions de vaccins envoyés à l’initiative de l’Organisation des Nations Unies pour éviter une épidémie. Affaire à suivre.
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