La vie de bureau côté trans

Si la transidentité est plus médiatisée aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années, les personnes trans subissent toujours des discriminations de plein fouet. En particulier, dans le monde professionnel : que cela concerne la recherche d’emploi, le quotidien au travail ou l’évolution de carrière, nombreux sont celles et ceux qui témoignent de parcours compliqués.

(Illustration 8e étage/Anissa Radina)
(Illustration 8e étage/Anissa Radina)

« J’ai reçu beaucoup d’insultes, des lettres anonymes. Je les ai encore. La violence à mon égard vient par vagues. Il peut ne rien se passer pendant six mois et subitement, je suis victime d’agressions verbales ou de discriminations avérées. » Assise, les jambes croisées sur son canapé, Lou-Andréa raconte son parcours professionnel d’un ton calme, qui tranche avec la violence de ses propos. Grande et élancée, cette quinquagénaire paraît facilement dix ans plus jeune. Elle est hôtesse de l’air dans une grande compagnie aérienne depuis 1995. En 2001, elle entame une transition très médiatisée, à l’âge de 35 ans. 

À l’époque, Lou-Andréa est connue par ses employeurs et ses collègues sous son identité masculine. « Quand j’ai entrepris ce changement, je n’en ai pas parlé tout de suite. Ma direction m’a alors demandé de m’engager à être plus viril, car j’étais un garçon très androgyne. Je leur ai répondu : “Ce n’est pas possible, d’ici quelque temps je vais devenir une femme”. » Pour la compagnie aérienne, cette situation était une première. « Au début, on voulait me virer », explique Lou-Andréa. Une supérieure qui la soutient parvient à empêcher son licenciement. On lui demande cependant de prendre un congé le temps d’effectuer sa transition.

À son retour dans la compagnie neuf mois plus tard, l’hôtesse de l’air se voit d’abord attribuer un travail de bureau. On lui explique qu’elle pourra voler de nouveau une fois qu’elle aura effectué un changement d’état civil. La procédure prendra près d’un an et demi. « Quand j’ai enfin repris les vols, un DRH m’a dit : “Estimez-vous heureuse d’avoir pu revenir, mais ne vous attendez à aucune évolution de carrière” », se souvient Lou-Andréa. L’avertissement s’est confirmé au fil des années. Après plus de 20 ans de carrière, elle est toujours hôtesse de l’air. « À mon âge ce n’est pas normal, je devrais être cheffe de cabine voire cheffe hôtesse », peste-t-elle.

Les relations avec ses collègues sont parfois houleuses, encore aujourd’hui. Si beaucoup l’acceptent, certains refusent de travailler avec elle, et se permettent des remarques déplacées ou des insultes, voire pire. « Un jour, un commandant de bord m’a cassé le genou avec une valise. J’ai porté plainte bien sûr. Ma hiérarchie a peu réagi. Dans cette entreprise, il y a une omerta monumentale. À chaque fois, on me dit de ne pas faire de vague. Quand j’ai reçu des menaces de mort, la direction m’a demandé d’en rire. » Un combat au jour le jour, mais Lou-Andréa ne compte pas partir. « À mon âge, je ne sais pas ce que je pourrais faire d’autre. Et puis, je n’ai pas tenu tout ce temps pour laisser tomber maintenant ! », conclut-elle dans un sourire.

LE TRAVAIL, DEUXIÈME LIEU DE TRANSPHOBIE

Le cas de Lou-Andréa n’est pas isolé. Quinze ans après son changement d’état civil, être une personne trans dans le monde du travail est toujours compliqué. Il y a eu des avancées : depuis 2012, « la discrimination en raison de l’identité sexuelle » est punie par la loi. Officiellement, la transidentité ne fait plus partie des maladies psychiatriques.

Le travail reste le deuxième lieu de transphobie, après la rue. « 28% des personnes trans perdent leur travail à l’annonce de leur transition », explique Arnaud Alessandrin, sociologue du genre auteur de « Sociologie de la transphobie ». Les problèmes commencent bien avant d’être en poste : pendant la scolarité, en formation, lors de la recherche d’emploi et des entretiens d’embauche…

À cela s’ajoutent les obstacles administratifs, notamment pour effectuer un changement d’état civil. Même si elle a été simplifiée par la loi « Justice du XXIe siècle », entrée en vigueur le 31 mars dernier, la procédure reste compliquée. La modification du genre sur les papiers d’identité s’effectue par une décision du tribunal de grande instance, qui doit certifier « que la mention relative au sexe à l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel se présente et dans lequel est connue la personne ». Pour répondre à ce critère, beaucoup estiment qu’ils doivent effectuer une chirurgie de  réattribution sexuelle, même si elle n’est plus obligatoire. Des soins coûteux et mal remboursés par la sécurité sociale, auxquels s’ajoutent les frais d’avocats. Le changement d’état civil est donc loin d’être à la portée de tous.

LA RECHERCHE D’EMPLOI, UN CALVAIRE

Aaron, trésorier d’OUTrans, confirme que l’association d’autosupport des personnes trans est souvent contactée pour ce type de cas. « Nous recevons beaucoup de jeunes, qui cherchent un premier emploi, soit pendant leur transition, soit avant d’avoir changé d’état civil. Ils se demandent par exemple s’ils peuvent postuler avec un CV masculin alors que leur carte d’identité est celle d’une femme. Il y a un vide juridique sur cette question. »

Les difficultés perdurent même après avoir réussi un entretien d’embauche. « Là, ça bloque au niveau administratif, quand le numéro de sécu ou le compte en banque ne correspond pas, et que les ressources humaines refusent d’enregistrer le prénom choisi. Ou pire, la personne va être recrutée, et soudain, une fois qu’elle a envoyé ses papiers, le poste n’est plus disponible. » Il s’agit alors d’une discrimination à l’embauche, qui peut être dénoncée en justice. « Mais ça peut être difficile à prouver, ça ne marche pas toujours », regrette Aaron. De fait, les sanctions contre la transphobie restent peu nombreuses. « Sur une centaine de discriminations ressenties, seules deux à sept sont portées en justice », calcule Arnaud Alessandrin.

LES JEUNES ENCORE PLUS VULNÉRABLES

Pour les jeunes trans, le parcours se complique encore. « À OUTrans on en voit beaucoup qui sont en rupture familiale, explique Aaron, ils ont donc du mal à continuer ou à terminer leurs études ». Et bien souvent, ils se retrouvent sans revenus, dans des situations très précaires.

(Illustration 8e étage/Anissa Radina)
(Illustration 8e étage/Anissa Radina)

Flore, souriante jeune femme de vingt ans, passionnée de jeux vidéo et de pop culture, en a fait l’expérience. Elle termine une formation en « game design » dans une école privée. Elle travaille aussi comme développeuse dans une entreprise qui fournit du wifi pour les transports publics, deux jours par semaine, « pour payer le loyer »

Elle évoque ses débuts professionnels difficiles avec une étonnante sérénité : « J’ai commencé ce boulot quand mes parents m’ont virée de chez moi. Mon meilleur ami est directeur technique là-bas, j’avais besoin d’un stage, ils m’ont embauchée et m’ont gardée ». Elle a pu aller vivre chez son copain, mais elle a traversé une période de dépression profonde, à laquelle s’ajoutait l’incertitude financière « avec une dette de 12.000 euros envers l’école ».

Aujourd’hui, elle jongle entre des cours très prenants et son travail à mi-temps. Elle y est « out » auprès de tout le monde « sauf le patron ». Son « deadname » — le prénom de naissance que la personne n’utilise plus — et un état civil masculin figurent encore sur les documents administratifs. Dans cette PME, elle a deux sortes de collègues : « ceux qui sont au courant, mais n’en ont rien à faire et me « genrent » au masculin avec mon deadname, et ceux qui le prennent en compte. Il y en a un qui a une fascination bizarre pour la transidentité, et me pose des questions déplacées sur mes organes sexuels ».

Si elle a rétabli des « relations cordiales » avec ses parents, qui sont caution de son appartement, Flore reste très précaire et vit « avec 200 euros par mois ». Pourtant, « dans mon malheur, j’ai de la chance », estime-t-elle, optimiste pour son futur : elle est quasiment assurée d’être embauchée à plein temps une fois ses études terminées. « La promesse d’un CDI, c’est rassurant. Ça signifie une stabilité financière, une thérapie hormonale. Ce boulot, je le fais par nécessité, mais ce n’est pas un calvaire. » 

Quant à son état civil, malgré la nouvelle loi, elle y croit peu : « Ça reste à l’appréciation d’une personne administrative, tant que je n’ai pas de traitement hormonal on me dira non je pense. Mais si j’y arrive, je ferai les démarches auprès de mon patron. Et même s’il ne comprend pas, changer un nom sur une fiche de paie ne devrait pas être un problème pour lui : c’est l’avantage d’une petite boîte ».

Tous n’envisagent pas les conséquences professionnelles d’une transition avec autant d’optimisme. Sam, 24 ans, travaille dans une grande société où il développe des logiciels à destination des entreprises. Il appréhende les discriminations de la part de ses employeurs.  « C’est une boîte très masculine, les gens font déjà pas mal de blagues homophobes ou transphobes… C’est un milieu où les apparences comptent beaucoup, avec des codes genrés : on me tient la porte, on me dit « bonjour madame »… » 

Pour l’instant, il tient le coup en « misant sur l’avenir » : « Je gagne pas mal d’argent ; après, je pourrai envisager un travail moins bien payé, mais qui me plaira plus. J’aimerais bien savoir quelles sont les entreprises plus « trans friendly » ; ça pourrait être un facteur pour changer d’employeur ». Il reste freiné dans ses envies d’ailleurs par la peur des rumeurs « d’avoir l’air trans » : « Je n’ai pas envie de devenir la personne bizarre de l’entreprise, dont les gens parlent dans le dos ».

LA PEUR D’EN PARLER

La situation de Sam est d’autant plus compliquée qu’il ne rentre pas dans les cases habituelles. Il est « agenre », il ne se reconnaît ni dans le genre féminin ni dans le genre masculin. « En anglais, il y a des pronoms neutres, mais en français c’est plus compliqué, alors j’utilise le masculin. Mais je ne suis pas sûr de vouloir être considéré comme un mec, je suis bien entre les deux. J’aimerais dire que je suis agenre au travail, le problème, c’est qu’il n’y a pas de législation sur la non-binarité, je ne sais pas si je serais protégé ». Il envisage d’en parler à ses parents, a priori plutôt ouverts d’esprit, « mais on a toujours peur de la réaction quand ça nous concerne. Ce serait plus facile si j’étais out au travail, j’aurais une plus grande indépendance vis-à-vis d’eux si ça ne se passe pas bien ».

Mêmes hésitations pour Sasha, qui travaille comme assistante d’éducation dans un collège des Yvelines, tout en suivant des cours en relations internationales à l’université. « Je ne suis pas du tout « out » au travail. J’essaye de me désigner de façon neutre, par exemple je dis « je suis seule » au lieu de « je suis toute seule ». Du coup, les enfants sont un peu perdus, ils ont compris qu’il y avait quelque chose de bizarre. » Mais la jeune femme n’ose pas en parler, elle craint le conservatisme des habitants de la ville où elle travaille, et souhaite changer d’établissement l’an prochain pour se rapprocher de sa fac.

(Illustration 8e étage/Anissa Radina)
(Illustration 8e étage/Anissa Radina)

« Là-bas, je veux que ce soit clair dès le début, je préfère ne pas laisser traîner les choses. Au moins si ça se passe mal, je le saurai tout de suite. Ce sera un lycée, les ados parlent moins de leurs surveillants, donc la réaction des parents m’inquiète moins. Les lycéens sont plus à même de m’insulter, mais ça, je connais déjà. Et j’ai besoin de ce travail. » 

En effet, Sasha doit financer son suivi psychiatrique et la transition physique qu’elle a prévue. D’autant qu’elle « a besoin » de partir de chez ses parents dès que possible. S’ils ne sont pas directement hostiles, sa relation avec eux est compliquée depuis son coming-out. « Ils considèrent que c’est une erreur, que je suis victime d’une mode. Je pense qu’ils se trouvent des excuses parce qu’ils refusent de concevoir que ça arrive à leur enfant. »

COMING-OUT ET PERTE DE REVENU

Pour beaucoup de jeunes, il semble plus facile d’attendre d’avoir un emploi stable et d’être bien ancré dans le monde du travail avant de faire leur coming-out et d’envisager une transition. Pourtant, même dans ces cas-là, les personnes trans se confrontent à d’énormes difficultés. La principale est le risque de perdre leur source de revenus.

C’est ce qui est arrivé à Marion, ancienne formatrice indépendante en informatique. Son principal client a arrêté de lui passer des commandes lorsqu’elle a révélé sa transidentité. Désormais très précaire, elle crée des sites et aimerait trouver un travail à mi-temps, pour l’heure sans succès. Sur les CV qu’elle envoie, elle inscrit le prénom Marion, qui n’est pas le même que sur ses papiers d’identité. « Lors d’un entretien d’embauche, le recruteur m’a demandé pourquoi il y avait le mauvais prénom sur mon CV. Il ne m’a pas dit que ça le dérangeait, mais j’ai bien senti qu’il trouvait ça bizarre. »

Après de nombreuses demandes, Marion a obtenu que son prénom choisi apparaisse sur son dossier Pôle emploi. Mais son prénom de naissance est toujours affiché, une discrimination de plus selon elle : « Des employeurs potentiels ont vu mon prénom masculin sur le dossier Pôle emploi, et je n’ai pas été retenue ». Elle aimerait pouvoir le modifier officiellement, mais le logiciel de sa mairie ne le permet pas. Elle attend avec impatience son changement d’état civil, qui « facilitera son intégration professionnelle ».

TRANSPHOBIE AU QUOTIDIEN

Comme Lou-Andréa, de nombreuses personnes qui conservent leur travail après avoir révélé leur transidentité voient leurs relations avec la hiérarchie ou les collègues se dégrader. Cynthia, aujourd’hui retraitée de la fonction publique, a effectué son coming out après avoir travaillé des années au sein d’une administration. Si son premier directeur s’est montré ouvert et compréhensif, tout a changé en 2010. « Nous avons eu un nouveau chef, il était transphobe, homophobe, sexiste … », explique-t-elle. À cette époque, elle n’a pas entamé de prise d’hormones, mais commence à se féminiser sur son lieu de travail.

Sa nouvelle direction s’y oppose farouchement : « Ils me convoquaient dans leur bureau et m’interdisaient de m’habiller de façon féminine, d’utiliser les toilettes ou les vestiaires féminins. Ils interdisaient à mes collègues de m’appeler Cynthia, et refusaient de me créer une adresse mail avec ce prénom ». Des pratiques illégales, contre lesquelles Cynthia est impuissante. « Pour que je puisse porter plainte auprès du tribunal administratif, il aurait fallu que j’apporte des preuves. Ils se sont bien gardés d’en faire quelconques à l’écrit, ce n’était qu’à l’oral, et pas en public ».

Elle ne peut pas compter non plus sur la solidarité de ses collègues. Par transphobie ou par crainte de la hiérarchie, aucun ne la soutient. « Je me sentais totalement isolée. Je m’enfermais dans ma bulle. J’arrivais le matin, je disais bonjour, je repartais le soir, je disais au revoir. Et je n’avais pas prononcé un mot de la journée. » La situation se débloque quand Cynthia fait changer son prénom auprès du tribunal. « Pour mon employeur, ça avait un côté officiel. Il a alors convoqué mes collègues pour leur dire que désormais ils pouvaient m’appeler Cynthia ». La fonctionnaire effectue son changement d’état civil en 2014. Les derniers mois avant son départ à la retraite, l’ambiance à son travail s’améliore nettement.

« PRENDRE LE TAUREAU PAR LES CORNES »

Ces situations, même si elles sont très fréquentes, ne sont toutefois pas une fatalité. Jeanne, retraitée et ancienne éducatrice sportive dans une commune de la banlieue de Bordeaux, et Maxime, jeune infirmier employé par une association, en ont parlé directement avec leur employeur et leurs collègues. Et n’ont rencontré aucune difficulté majeure.

Jeanne a effectué sa transition à l’été 2010, et a pris les choses en main en amont. « En juillet j’ai demandé à mon employeur l’autorisation de publier un courrier à destination de mes collègues, pour expliquer ma situation et la transidentité. » Non seulement son employeur accepte, mais il joint à la lettre un courrier pour demander d’accompagner Jeanne dans sa démarche, ainsi qu’un rappel de la loi en cas de discrimination. À son retour au travail, les choses se passent bien. « Ma stratégie a été de ne pas laisser s’installer des rumeurs, de prendre le taureau par les cornes et de dire ce qu’est une personne trans. C’est plus facile d’affronter clairement les gens. La transphobie, ce n’est pas génétique. Ce qui crée des problèmes souvent, c’est l’ignorance », estime Jeanne.

(Illustration 8e étage/Anissa Radina)
(Illustration 8e étage/Anissa Radina)

De la même façon, Maxime a d’abord révélé sa transidentité à sa supérieure et à son directeur.  « Ils ont eu une réaction super, ils ont tout de suite dit qu’ils voulaient m’accompagner », raconte-t-il. Pour ses collègues, l’infirmier a plus d’appréhensions : il redoute les bruits de couloir. L’une de ses supérieures lui propose alors de présenter lui-même sa situation. Deux semaines plus tard, Maxime explique sa transidentité devant ses collègues. « J’ai ajouté que j’espérais ne pas bousculer leurs mœurs, et qu’ils pourraient prendre le temps qu’il voulait pour s’habituer à mon nouveau prénom. Quand j’ai fini mon discours, j’ai levé les yeux, certaines de mes collègues étaient tellement émues qu’elles pleuraient. » 

Depuis cette intervention, il y a quatre ans, Maxime n’a jamais rencontré de problème sur son lieu de travail. « Pour moi, ça s’est très bien passé, mais ça dépend énormément des contextes professionnels. Ça dépend aussi de son caractère. Si on arrive de façon frontale, sans explication, ça peut laisser les gens sur une interrogation et donner une autre atmosphère. Mais, bien sûr, tout le monde n’a pas la force ou la volonté d’expliquer leur situation », admet le jeune homme.

L’AUTOSUPPORT POUR S’ÉMANCIPER

Selon Arnaud Alessandrin, des solutions peuvent être mises en place facilement pour faciliter la carrière des personnes trans. La principale : un meilleur accès à des formations sur la transidentité, encore quasi inexistantes. « C’est pourtant essentiel, car on ne comprend pas la discrimination si on ne la voit pas de manière personnelle : il faut pouvoir éprouver de l’empathie pour le discriminé ». Plus concrètement, des choses peuvent être réalisées au sein même de l’entreprise : « Faciliter l’accès au vestiaire de son genre, voire créer un troisième vestiaire, changer l’adresse mail, les cartes de visite, le nom sur le bureau, prévenir les clients, les collaborateurs… Il y a plein de solutions. C’est une responsabilité collective, que peuvent prendre les RH ».

Pourtant selon le bureau du défenseur des droits, peu d’entreprises se saisissent réellement de cette question : « Début 2012, nous avons fait réaliser une enquête auprès des grandes sociétés sur leur engagement en matière de lutte contre les discriminations, explique Romain Blanchard, chargé de mission discrimination. Sur 225, seules 35 ont répondu, et 15 mentionnaient l’orientation sexuelle dans leur politique diversité. L’identité de genre est encore moins abordée ». Le bureau a donc préparé deux fiches à destination des entreprises et des administrations, sur les « bonnes pratiques », et l’accompagnement spécifique des salariés trans.

Devant le manque d’intérêt des entreprises, certains entendent prendre les choses en main pour faire bouger les choses. UMi, étudiant non-binaire, veut se spécialiser dans le droit civique international. « J’aimerais être juriste dans une ONG pour les droits des personnes à orientations et identité de genre marginalisés, et intersexes (NDLR, en anglais : « MOGAI », ou « Marginalized orientations, gender alignements and intersex ») ». Il compte demander un stage à l’association Transgender Europe, subventionnée par l’Union européenne, qui emploie en priorité des personnes issues des minorités de genre. 

Umi voit dans l’autosupport un moyen d’émancipation :  « En tant que MOGAI, on ne peut pas faire tout ce qu’on aimerait, donc c’est important de pouvoir vivre d’un engagement au profit de la communauté ». De la même façon, Marion développe des sites dédiés aux communautés LGBT, Jeanne s’investit toujours dans la commission de luttes contre les discriminations LGBT de la CGT et Lou-Andréa continue de témoigner et conseiller ceux qui la contactent. Quant à Flore, elle travaille sur des jeux vidéo qui abordent les questions de genre, et attend que sa situation se stabilise pour « utiliser son expérience pour aider les autres, en ligne ou sur le terrain ». En attendant de vivre dans une société plus accueillante.

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