En Ouzbékistan, le travail forcé dans les champs de coton passé sous silence

 De nos jours, l’Ouzbékistan, 5e producteur mondial de coton, a encore recours au travail forcé. Quant aux activistes qui dénoncent cet esclavage moderne, ils sont régulièrement victimes d’intimidation.

En Ouzbékistan, la récolte du coton commence généralement en septembre et mobilise des millions de travailleurs, souvent forcés. (Photo Wikimedia Commons)
 En Ouzbékistan, la récolte du coton commence généralement en septembre et mobilise des millions de travailleurs, souvent par le biais du travail forcé.
(Photo  Wikimedia Commons)

L’époque du travail dans les champs de coton n’est pas révolue, loin de là. En Ouzbékistan, environ 4 millions de personnes s’affairent toujours à la récolte chaque année. Parmi eux, plus d’un million y seraient traînés de force : menacés de perdre leur emploi, ou de devoir payer une amende, ils se retrouvent dans les champs.

En 2014, le pays a fait des efforts pour lutter contre le travail des enfants, à la satisfaction de la communauté internationale. Seulement voilà, le problème n’aurait été que déplacé. À en croire certaines ONG, pour les remplacer, ce sont davantage d’adultes qui sont mobilisés de force. Selon un récent article du Guardian, près de 60 % du personnel des écoles, des hôpitaux ou encore des administrations locales seraient réquisitionnés par l’État afin de récolter cet or blanc.

Ces dernières années, l’Ouzbékistan s’est pourtant engagé à plusieurs reprises à ne plus avoir recours à ces travailleurs non consentants, comme le souligne le Forum germano-ouzbek (UGF), une ONG allemande. Des activistes ouzbèkes, mais aussi étrangers (certains ont été envoyés cette année par l’Organisation mondiale du travail), sillonnent les champs et les rues pour surveiller ces récoltes, mais aussi, et surtout, pour informer sur le travail forcé. Cependant, cette année, ils font l’objet d’intimidations particulièrement violentes, comme le raconte Umida Niyazova, directrice de l’UGF à Eurasianet :

« Nous avons toujours des problèmes concernant la sécurité des personnes qui contrôlent le travail forcé, [mais cette année] a été la pire de toutes ».

Ces activistes sont intimidés, arrêtés, voire frappés par les autorités. The Guardian a recueilli le témoignage d’une femme qui a même subi une fouille « gynécologique » en présence de deux policiers. Dans les exploitations, les fermiers et les travailleurs sont prévenus, explique ainsi Eurasianet :

« Beaucoup d’organisations ouzbèkes préviennent leur personnel de ne pas parler aux personnes extérieures. Les fermiers doivent appeler [les autorités] s’ils voient des étrangers dans leurs champs ».

Alors que la communauté internationale avait félicité le gouvernement ouzbek pour ses efforts en matière de travail forcé, sur le terrain, la réalité semble encore loin de ce qu’avancent les autorités du pays, ce qui inquiète beaucoup Klara Skrivankova, coordinatrice de l’ONG Anti-Slavery International :

« Il semble y avoir une corrélation entre les efforts que fait le gouvernement pour montrer que la situation s’améliore, et ceux qu’il fait pour faire taire quiconque ose renvoyer une image qui ne serait pas en accord avec cette ligne officielle ».

Cet esclavage moderne semble encore bien ancré dans le pays, et ce malgré la promesse très (trop) ambitieuse du gouvernement d’entièrement mécaniser la récolte de coton d’ici 2020. Pour l’UGF, c’est bien simple, en Ouzbékistan, « du président aux comités de quartiers, tous les niveaux du gouvernement orchestrent ce système de travail forcé, et le gouvernement menace, contient et éradique toute tentative des citoyens d’informer sur la récolte du coton, sur les lois nationales et sur les droits de l’homme ».

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