[Jeu de cartes] : Le monde (surpeuplé) de demain 🔒

Selon des projections de l’ONU rendues publiques en juin 2017, notre planète devrait hĂ©berger 8,6 milliards de personnes d’ici 2030. C’est un milliard de plus qu’actuellement. Cette semaine dans “Jeu de cartes”, nous avons dĂ©cidĂ© de nous pencher sur la question de la surpopulation au travers des travaux de deux chercheurs d’universitĂ©s amĂ©ricaines : Richard T.T. Forman et Jianguo Wu. En novembre dernier, ils publiaient dans la revue scientifique gĂ©nĂ©raliste Nature les rĂ©sultats d’une Ă©tude identifiant les diffĂ©rentes rĂ©gions du monde qui seraient, selon eux, les plus susceptibles d’hĂ©berger ce surplus d’ĂŞtres humains.

(Photo Flickr/James Cridland)
(Photo Flickr/James Cridland)

Un milliard d’êtres humains supplĂ©mentaire sur la planète d’ici Ă  peine treize ans. Les projections de l’ONU en matière de croissance de la population mondiale, dĂ©taillĂ©es dans l’Ă©tude Perspectives dĂ©mographiques mondiales : rĂ©visions 2017, publiĂ©e le 21 juin dernier par le DĂ©partement des affaires Ă©conomiques et sociales de l’ONU (DESA), laissent peu de doutes en la matière : au vu des changements dĂ©mographiques Ă  venir, il convient dès maintenant d’imaginer le monde de demain si nous souhaitons parvenir Ă  le prĂ©server un minimum. En effet, selon ces projections onusiennes, il est prĂ©vu que la population mondiale atteigne 8,6 milliards d’individus d’ici 2030, 9,8 milliards d’ici 2050 et 11,2 milliards d’ici 2100. Rien de bien Ă©tonnant lorsque l’on sait que de nos jours, on compte 83 millions de personnes en plus sur Terre chaque annĂ©e.

Imaginer un avenir durable pour tous en matière de rĂ©partition gĂ©ographique de la population humaine. C’est le travail auquel se sont attelĂ©s deux chercheurs des universitĂ©s d’Arizona State University et de Harvard : Richard T.T. Forman et Jianguo Wu. En novembre dernier, ils lançaient un avertissement, Ă  qui voudra bien l’entendre, au travers d’une publication dans la revue scientifique gĂ©nĂ©raliste Nature. Ă€ les en croire, il est urgent de chercher Ă  minimiser notre « empreinte Ă©cologique dĂ©jĂ  consĂ©quente sur notre Terre Â» grâce Ă  une « coordination Ă  l’Ă©chelle mondiale Â» visant Ă  promouvoir une rĂ©partition gĂ©ographique plus Ă©quilibrĂ©e de la population sur le globe.

(Source  Nature)
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(Source  Nature)

Afin de montrer de manière simple et visuelle oĂą l’espèce humaine serait le mieux Ă  mĂŞme de prospĂ©rer durablement, les deux chercheurs ont rĂ©alisĂ© le GIF ci-dessus. Pour ce faire, ils expliquent s’ĂŞtre appuyĂ©s sur sept cartes diffĂ©rentes de l’Atlas of Global Conservation — qui regroupe plus de cent cartes et reprĂ©sentations graphiques, ainsi que de multiples publications scientifiques sur la question de la prĂ©servation de l’environnement.

Ils ont dans un premier temps Ă©liminĂ© les zones Ă  fort stress hydrique, tout comme les terres couvertes de glace, mais aussi les habitats endĂ©miques d’espèces animales ou vĂ©gĂ©tales menacĂ©es. Se soustraient Ă©galement les zones Ă  forte densitĂ© de population — soit celles hĂ©bergeant plus de 100 personnes par km2 (elles sont reprĂ©sentĂ©es en rouge). Les rĂ©gions marquĂ©es en jaune sont considĂ©rĂ©es par les chercheurs comme hautement viables en matière de dĂ©veloppement durable. Les zones apparaissant en bleu sont, quant Ă  elles, considĂ©rĂ©es comme passables. RĂ©sultat : leur carte des zones viables inclut d’importantes aires gĂ©ographiques en AmĂ©rique du Sud, dans le sud du Canada, des parties du nord et de l’est des États-Unis, la partie sud de l’Afrique centrale, ainsi que quelques poches en Chine et dans des rĂ©gions situĂ©es au nord de l’Himalaya, et enfin une poignĂ©e de zones dissĂ©minĂ©es en OcĂ©anie.

Il convient de souligner que la carte ne prend absolument pas en compte les facteurs économiques, légaux, culturels et/ou politiques qui pourraient rendre impossibles les mouvements de population jugés nécessaires par les deux chercheurs.

Pour bien comprendre ces cartes, il est nĂ©cessaire de prĂ©ciser que ces zones viables sont bien loin de systĂ©matiquement coĂŻncider avec celles oĂą des organisations internationales comme l’ONU s’attendent aux croissances dĂ©mographiques les plus importantes. De plus, si certains espaces peuvent sembler viables au premier coup d’œil, la situation s’avère souvent plus complexe en rĂ©alitĂ©. Ainsi, la zone sĂ©lectionnĂ©e en Afrique englobe un grand nombre de pays qui ne seraient pas forcĂ©ment capables d’hĂ©berger un surplus de population — notamment pour des raisons de gouvernance instable. Autre exemple du cĂ´tĂ© de l’Amazonie ou de l’Australie, oĂą il serait particulièrement dĂ©licat d’installer des populations sans prendre le risque (que beaucoup jugeraient probablement trop important) d’irrĂ©mĂ©diablement endommager les Ă©cosystèmes de ces rĂ©gions.

En fĂ©vrier dernier, pour accompagner un article intitulĂ© “Dans quels pays la population augmente-t-elle le plus ?” Radio Canada avait rĂ©alisĂ© la carte interactive ci-dessus. Elle illustre la croissance dĂ©mographique dans les diffĂ©rents pays du monde en 2015. On peut y observer que les pays d’Afrique subsaharienne affichaient alors des taux de croissance dĂ©mographique (entre 3 et 4% par an en moyenne) parmi les plus Ă©levĂ©s du monde. En cause : de forts taux de fĂ©conditĂ© — les femmes ont six enfants en moyenne dans ces pays —, que ne suffisent pas Ă  contrebalancer de forts taux de mortalitĂ© — dans un nombre consĂ©quent de pays, l’espĂ©rance de vie ne dĂ©passe pas les 60 ans.

On retrouve ensuite un certain nombre de pays asiatiques (avec des exceptions dont nous avons dĂ©jĂ  eu l’occasion de vous parler Ă  l’image du Japon) et moyen-orientaux, eux-mĂŞmes suivis de l’AmĂ©rique du Sud et de pays comme l’Inde et la Chine. En rĂ©sumĂ©, l’essentiel de la croissance dĂ©mographique du XXIe siècle viendra logiquement des pays qui n’ont pas encore amorcĂ©, ou seulement partiellement, leur transition dĂ©mographique.

Ă€ noter Ă©galement qu’au sein des pays occidentaux — qui enregistrent en moyenne des taux de croissance compris entre 0 et 1% —, l’Europe, et tout particulièrement l’Europe de l’Ouest, connaĂ®t une croissance dĂ©mographique sensiblement plus faible que celle de l’AmĂ©rique du Nord. Ainsi, des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou encore le Royaume-Uni ne semblent pas avoir d’autre option que de miser sur l’immigration s’ils souhaitent accroĂ®tre leur population.

L’Ă©tude onusienne mentionnĂ©e un peu plus haut dans cette chronique prĂ©voit qu’entre 2017 et 2050 « la moitiĂ© de la croissance de la population mondiale sera concentrĂ©e dans seulement neuf pays classĂ©s en fonction de leur contribution Ă  la croissance dĂ©mographique mondiale Â» : l’Inde, le Nigeria, la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, le Pakistan, l’Éthiopie, la Tanzanie, les États-Unis, l’Ouganda et l’IndonĂ©sie. Ainsi, l’essentiel de cette croissance dĂ©mographique devrait se concentrer sur deux continents, l’Afrique et l’Asie, oĂą « l’espace durable Â» pourrait très rapidement venir Ă  manquer — la surpopulation et la pollution risquant d’y devenir des problèmes majeurs.

Il est intĂ©ressant de remarquer que la Chine (qui hĂ©berge Ă  l’heure actuelle 1,4 milliard d’habitants) et l’Inde (avec 1,3 milliard d’habitants) devraient demeurer les deux pays les plus peuplĂ©s. Cependant, d’ici Ă  peu près sept ans, aux environs de 2024, la population indienne devrait dĂ©passer la population chinoise — selon un dĂ©mographe chinois, ce serait mĂŞme dĂ©jĂ  le cas.

 
 
Dans leur Ă©tude de 2016, Richard T.T. Forman et Jianguo Wu soulignent que si rien n’est fait pour contrĂ´ler l’Ă©talement urbain que devrait causer l’augmentation rapide de la population mondiale, ce dernier risque de s’avĂ©rer extrĂŞmement nĂ©faste pour de prĂ©cieuses ressources comme les terres riches en nutriments. Ainsi, pour pouvoir espĂ©rer nourrir dĂ©cemment le milliard d’ĂŞtres humains supplĂ©mentaire qui devrait peupler le globe en 2030, les chercheurs considèrent qu’il est urgent de commencer Ă  Ă©laborer des plans complexes afin de maximiser la production agricole. Sans parler du fait que les villes en expansion risquent, quant Ă  elles, de se transformer en foyers toujours plus importants d’émission de dĂ©chets, d’eaux usĂ©es et plus gĂ©nĂ©ralement de pollution.

Richard T.T. Forman et Jianguo Wu mettent Ă©galement en lumière l’existence d’un problème grave et croissant engendrĂ© par le rĂ©chauffement climatique pour des mĂ©tropoles cĂ´tières comme Canton, Bombay, La Nouvelle-OrlĂ©ans, Osaka ou encore Vancouver. Leur point commun ? Elles sont toutes extrĂŞmement vulnĂ©rables Ă  l’Ă©lĂ©vation du niveau des eaux de la mer causĂ©e par la fonte des glaciers. Si vous vous posiez encore la question : non, rĂ©chauffement climatique et croissance dĂ©mographique ne feront pas bon mĂ©nage.

Le sujet vous intĂ©resse ? Nous vous invitons Ă  consulter l’Ă©tude Perspectives dĂ©mographiques mondiales : rĂ©visions 2017, publiĂ©e par le DĂ©partement des affaires Ă©conomiques et sociales de l’ONU (DESA). Un rĂ©sumĂ© des travaux de Richard T.T. Forman et Jianguo Wu est librement accessible sur le site Internet de la revue scientifique gĂ©nĂ©raliste Nature : ici. Bonne lecture.

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1 commentaires

  1. Denis Garnier 8 années ago

    Pour de multiples raisons qu’il est difficile d’expliquer en quelques lignes, la solution Ă  la surpopulation actuelle (et Ă  celle du futur encore plus catastrophique) ne consisterait pas Ă  dĂ©placer les populations plĂ©thoriques vers d’autres lieux moins peuplĂ©s.
    C’est vers des mesures non-coercitives de limitation des naissances qu’il faut rĂ©solument s’engager comme le prĂ©conise l’association DĂ©mographie Responsable. http://demographie-responsable.org/

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