Une fois n’est pas coutume, cette semaine direction l’espace, et plus précisément la Lune, dans [Jeu de cartes]. Des chercheurs de la prestigieuse université Brown, aux États-Unis, ont en effet cartographié l’emplacement et la teneur en eau des gisements d’eau piégés dans la couche supérieure du sol lunaire. Objectif : faciliter la vie de ceux et celles qui partiront, un jour peut-être, explorer le satellite naturel de la Terre.

(Copyright Brown University)
Il y a seulement quelques jours, nous apprenions que les partenaires de la Station spatiale internationale (ISS) envisagent d’envoyer prochainement un avant-poste à proximité de la Lune afin de préparer l’exploration humaine de notre satellite naturel. Le “Deep Space Gateway” (en français, “passerelle vers l’espace profond”) serait plus un « véhicule qui aura la capacité de naviguer » qu’une station spatiale sur le modèle de l’ISS, comme l’expliquait récemment Frank De Winne, conseiller auprès du directeur des vols habités et des opérations à l’ESA et directeur du Centre européen des astronautes, dans les pages du portail d’information Futura-Sciences.
De Winne poursuit en expliquant qu’il s’agira de « voir comment ce véhicule peut supporter des missions lunaires robotiques et habitées et nous aidera à développer un véhicule pour explorer Mars avec des humains ». En attendant d’aller imiter l’équipe de la série Mars, il convient de noter qu’il est de plus en plus sérieusement envisagé d’envoyer des hommes explorer la surface de la Lune dans un avenir proche. C’est dans ce contexte qu’une récente série de cartes, mise au point par une équipe de chercheurs de la prestigieuse université Brown, aux États-Unis, prend tout son sens.
Comme nous l’explique un article paru sur Space.com, les chercheurs américains ont cartographié les valeurs de teneur en eau (NDLR, la quantité d’eau liquide contenue dans un échantillon de matière) des différents gisements d’eau piégés dans la couche supérieure du sol lunaire. Leurs résultats, publiés le 13 septembre dans la revue scientifique Science Advances, pourraient grandement faciliter la vie des astronautes américains, cosmonautes russes, spationautes français et autres taïkonautes chinois (NDLR, ces différentes appellations désignant toutes des hommes et des femmes qui vivent, travaillent et voyagent dans l’environnement extraterrestre ; elles ne varient qu’en fonction du pays) qui se rendront peut-être un jour sur le satellite, en leur permettant de connaître l’emplacement des gisements d’eau in situ.
Pour rappel, la sonde américaine LCROSS (en anglais, “Lunar Crater Observation and Sensing Satellite”) avait découvert en 2009 d’importantes quantités d’eau gelée, mais aussi une molécule proche de l’H2O, l’hydroxyle (HO), près du pôle Sud de la Lune. C’est cette découverte qui a conduit les chercheurs de l’université de Brown à s’intéresser au sujet. Pour mener à bien leur étude, ils se sont basés sur les données récoltées par le Moon Mineralogy Mapper — un instrument de mesure de la NASA, aussi connu sous le nom de M3, qui fût transporté à bord de Chandrayyan-1, le premier satellite indien à avoir été placé sur orbite lunaire.
« La signature [spectrale] de l’eau est présente presque partout sur la surface lunaire, et ne se limite pas seulement aux régions des pôles comme cela a précédemment été rapporté », commente Shuai Li, l’auteur principal de l’étude, dans un communiqué publié par l’université Brown. « La quantité d’eau augmente vers les pôles et ne montre pas de différence significative entre des terrains de composition distincte ».
À noter que la répartition largement uniforme de l’eau, avec une diminution graduelle en allant vers l’équateur, tend à étayer la thèse qu’une partie de cette eau proviendrait de vents solaires (NDLR, des flux de plasma constitué essentiellement d’ions et d’électrons qui sont éjectés de la haute atmosphère du Soleil). Cependant, d’autres données, publiées en juillet dernier par l’équipe de Shuai Li dans la revue scientifique Nature, montrent qu’il existe également une teneur en eau supérieure à la moyenne dans des dépôts d’origine volcanique près de l’équateur lunaire (par exemple à proximité du cratère d’impact Thales, comme illustré ci-dessous) — et si la teneur en eau des gisements reste très faible, de l’ordre de moins de 0,05 %, ces derniers sont gigantesques et peuvent atteindre jusqu’à 1 000 km2. Cela laisse à penser que cette eau aurait été amenée à la surface par des éruptions de magma.

(Copyright Brown University)
L’étude montre aussi que la teneur en eau de la couche supérieure du sol lunaire atteint en moyenne 500 à 750 parties par million dans les régions polaires — c’est-à-dire moins que dans les dunes des déserts terrestres les plus secs. Optimistes, les chercheurs ajoutent cependant qu’un peu d’eau vaut mieux que pas d’eau du tout et que cette eau lunaire pourrait un jour être utilisée par des colonies lunaires ou encore des missions à destination de Mars.
Les chercheurs ont également découvert que les basses latitudes lunaires ont tendance à s’humidifier tôt le matin et à sécher pendant l’après-midi. Trop conséquentes pour être ignorées, ces fluctuations atteindraient parfois les 200 parties par million. « Nous ne savons pas exactement quel mécanisme engendre cette fluctuation, mais cela nous dit que le processus de la formation de l’eau dans le sol lunaire est actif et se produit aujourd’hui », commente Ralph Milliken, géologue à l’université de Brown et coauteur de l’étude. « Cela évoque la possibilité que l’eau puisse s’accumuler de nouveau après extraction, mais nous devons mieux comprendre la physique du pourquoi et comment cela se produit afin de comprendre l’échelle de temps qui serait nécessaire à un renouvellement de l’eau ».
En résumé, aussi utiles qu’elles soient, les nouvelles cartes nous laissent avec plus de questions que de réponses sur l’eau lunaire. Comme le fait remarquer Space.com, le Moon Mineralogy Mapper de la NASA, qui a fourni les données utilisées dans le cadre de l’étude, ne fait qu’analyser la réflexion de la lumière du soleil sur la surface lunaire pour déterminer sa composition. Cela veut donc dire que les endroits n’étant jamais frappés par les rayons du soleil ne peuvent pas être étudiés de cette manière — et rien ne nous dit que le sol de certains cratères d’impact des régions polaires de la Lune ne contient pas d’importantes réserves d’eau.
De plus, les chercheurs insistent sur le fait qu’ils ne sont pas à même de déterminer jusqu’à quelle profondeur l’eau qu’ils ont découverte s’infiltre dans le sol lunaire. « Nous ne faisons qu’une télédétection du millimètre supérieur du sol, et ne pouvons pas dire avec certitude quelle quantité d’eau existe en dessous », ajoute Milliken. « La teneur en eau, en tenant compte de la profondeur, pourrait nous amener à des résultats combien beaucoup plus précis ».
L’étude est donc avant tout « une feuille de route sur l’emplacement de l’eau à la surface de la lune », conclut le chercheur. « Maintenant que nous avons ces cartes qui montrent où et en quelle quantité est l’eau, nous pouvons commencer à réfléchir à si, oui ou non, cela pourrait valoir la peine de l’extraire, soit en tant qu’eau potable pour les astronautes soit pour produire du carburant ».
Le sujet vous intéresse ? Pour les anglophones, nous vous invitons à consulter directement la passionnante étude publiée par les chercheurs de l’université de Brown dans les pages de la revue scientifique Science Advances. Bonne lecture.
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