Aujourd’hui, dans “Jeu de cartes”, notre chronique hebdomadaire sur 8e étage, nous avons décidé de nous intéresser à la problématique de l’accès à l’électricité dans le monde. Selon des statistiques collectées par la Banque mondiale dans le cadre de l’initiative « SE4ALL Global Tracking Framework », la vitesse de l’accroissement du nombre de personnes ayant accès de l’électricité a considérablement ralenti ces dernières années. Alors, l’accès universel à l’électricité en 2030, mythe ou réalité ?

Au rythme actuel, seuls 92% de la population mondiale auraient accès à l’électricité en 2030 — date à laquelle la communauté internationale s’était fixé des objectifs ambitieux en matière d’accès à l’électricité, d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. C’est ce qu’affirmait en avril dernier Rachel Kyte, la représentante spéciale auprès du secrétaire général de l’ONU pour l’action sur l’énergie pour tous, dans un communiqué largement repris par la presse généraliste en France. En cause ? Un ralentissement sensible de l’accroissement du taux d’électrification. Pour espérer atteindre les 100% d’ici 13 ans, il conviendrait, toujours selon Rachel Kyte, de multiplier au moins par cinq les investissements actuels.
La carte interactive ci-dessous est une réalisation de la Banque mondiale basée sur les chiffres officiels, qui couvrent la période 1990-2014, fournis par les pays dans le cadre de l’initiative « SE4ALL Global Tracking Framework ». Ce faisant, la Banque mondiale propose une analyse harmonisée à l’échelle régionale et mondiale. Plus un pays y est représenté dans un bleu pâle, moins la part de sa population ayant accès à l’électricité est importante. À l’inverse, plus le bleu est foncé plus le taux d’électrification augmente :
Cela saute immédiatement aux yeux : si l’essentiel des régions du globe s’en sortent décemment, l’Afrique demeurait en 2014 encore très largement en retard. Dans quelques rares pays du continent, c’est même moins de 10% de la population qui avait alors accès à l’électricité. C’était notamment le cas au Soudan du Sud (4,53%), du Burundi (7%), du Tchad (8,01%) ou encore du Liberia (9,1%). Seule une poignée de pays bénéficiait d’un taux d’électrification supérieur à 80% : l’Afrique du Sud (86%), le Gabon (89,4%), le Maroc (91,6%), la Libye (98,4%), l’Égypte (99,8%), la Tunisie (99,8%) et enfin l’Algérie, seul pays du continent à atteindre les 100%.
Selon un rapport, publié par la Banque mondiale et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans le cadre de l’initiative « Énergie durable pour tous », il restait en 2014 dans le monde 1,06 milliard de personnes n’ayant pas encore accès à l’électricité, soit plus de 15% de la population mondiale.
Cela ne constituait qu’une “légère amélioration par rapport à 2012”. Le rapport nous apprenant qu’au rythme actuel, le taux mondial d’électrification “ne serait que de 92 % à l’horizon 2030”, donc encore bien loin d’un hypothétique accès universel.
Les auteurs du rapport indiquent que la plupart des pays n’en font pas assez. Ils jugent même particulièrement préoccupante la situation de certains pays très peuplés dont la population a peu accès à l’électricité. Ils pointent par exemple du doigt l’Angola et la République démocratique du Congo, deux pays où le taux d’électrification est en recul.
Point positif : la maîtrise de l’énergie, elle, aurait globalement progressé. Ainsi, “sur la période couverte par le rapport (2012-2014), les économies d’énergie permettaient de répondre aux besoins cumulés de deux pays comme le Brésil et le Pakistan”. Il convient également de souligner qu’à en croire les auteurs du rapport, certains pays comme le Kenya, le Malawi, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan et la Zambie ont accompli des “progrès encourageants”, réussissant parfois à augmenter leur taux d’électrification de deux à trois points par an. Hors Afrique, l’Afghanistan et le Cambodge s’illustrent également par leur recours accrût à l’énergie solaire hors réseau.
À en croire la Banque mondiale, “ces pays attestent qu’il est possible de tendre plus rapidement vers l’accès universel grâce à des politiques adaptées, à des investissements (publics et privés) solides et à l’innovation technologique”. Elle se réjouit également de la prise d’importance des nouvelles technologies et insiste sur le fait que les “pays qui comblent rapidement leur retard observeront des améliorations dans l’éducation, la santé, l’emploi et la croissance économique”.
Au-delà de l’accès à l’électricité, le rapport s’intéresse également aux autres objectifs de la communauté internationale. Le constat est, là aussi, amer. En effet, d’après les estimations, il faudrait doubler, voire tripler les investissements dans les énergies renouvelables pour espérer atteindre les objectifs de l’ONU en matière d’énergie durable pour tous et consacrer trois à six fois plus d’investissements à l’efficacité énergétique.
Il est pertinent de remarquer qu’il existe ici une importante division entre les zones urbaines et rurales. En effet, près de 80% des personnes ayant peu ou pas d’accès à l’électricité vivent en zone rurale dans le monde, comme l’illustre la carte interactive ci-dessous, autre réalisation de la Banque mondiale :
Nous pouvons remarquer une fois encore que la majorité des pays avec les plus faibles taux d’électrification en zones rurales se trouvent en Afrique. Notons que dans certains cas, ce sont même moins de 5% de la population qui y ont accès à l’électricité. C’est ainsi le cas à la Sierra Leone (1%), au Liberia (1,71%) ou encore en République centrafricaine (3%).
Soulignons également que de nombreux pays d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale ou d’Asie n’atteignent pas les 100% de taux d’électrification en zone rurale. En Inde, cette proportion n’atteint que 70%, 50% en Mongolie ou encore 49% en Birmanie.
La carte ci-dessus montre à quel point la différence s’avère parfois colossale avec les zones urbaines :
Ainsi, les pays évoqués plus haut voient leur taux d’électrification augmenter d’au moins 15 points. La Sierra Leone a un taux de 31,5% en zone urbaine, le Liberia de 16,78%, la République centrafricaine de 26,3%, l’Inde de 98,2%, la Mongolie de 99,5% et enfin la Birmanie de 85,5%.
À quelques rares exceptions près, les pays d’Amérique du Sud et centrale frôlent, eux, les 100% de taux d’électrification en zone urbaine.

(Source Mashable)
Notre dernière carte est une réalisation très intéressante de la version anglophone de Mashable, qui superpose taux d’électrification et revenu national brut des pays (NDLR, somme des salaires et revenus financiers perçus pendant une période donnée par les agents économiques nationaux). Comme l’explique le média américain, le manque d’accès à l’électricité engendre souvent des difficultés à s’arracher de l’engrenage de la pauvreté et de la misère, et ce tout particulièrement en zone rurale.
Condition indispensable pour le développement économique d’un pays, en permettant aux magasins et entreprises de tout poil de rester ouvert plus longtemps, l’accès à l’électricité a également des conséquences très concrètes en matière d’éducation, en permettant par exemple aux enfants d’étudier à la maison le soir après l’école, ou encore sanitaire, en fournissant un accès à des méthodes de soin plus modernes.
Le sujet vous intéresse ? Nous vous invitons à vous balader sur le très bon site de la Banque mondiale qui compile, en français, un grand nombre d’informations sur l’accès à l’électricité dans le monde. Pour les anglophones, nous vous invitons également à consulter le rapport RISE (Regulatory Indicators for Sustainable Energy), publié en début d’année, qui met notamment en lumière différentes politiques et/ou réglementations qui pourraient se révéler susceptibles d’accélérer les progrès en la matière. Bonne lecture.
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