La Chine et les Philippines se livrent une guerre des cartes

 Afin de contrer les ambitions territoriales chinoises en mer de Chine, les Philippines ont lancé une contre-offensive rhétorique et cartographique. Cette guerre des cartes a pour but de réduire à néant les arguments historiques chinois.

Une carte du monde chinoise.  (photo flickr/unitedexplanations)
 Une carte du monde chinoise.
(photo flickr/unitedexplanations)

Le 12 septembre dernier, les Philippines ont lancé une vaste offensive contre les Chinois et leurs ambitions en mer de Chine. Du moins, une offensive rhétorique, ou plutôt cartographique pour être précis. En exposant publiquement 60 anciennes cartes de l’Institut philippin des affaires maritimes et océaniques, Manille compte prouver que la Chine aurait fabriqué de toutes pièces ses récentes revendications territoriales en mer de Chine.

Les cartes en question couvrent une période allant de l’ancien empire Song en l’an 960, à la fin de la dynastie Qing au début du 20e siècle. Elles se veulent la preuve incontestable que la Chine n’a jamais possédé de territoires situés au sud des îles Hainan.

L’exposition fait suite au dévoilement par les Chinois, plus tôt cet été, d’une nouvelle carte officielle du pays. Objet du litige : cette dernière inclue les récentes revendications territoriales chinoises en mer de Chine. Avec cette initiative, les Philippins entendent donc combattre le feu par le feu et dénoncer les soi-disant “faits historiques” chinois en les qualifiant de “mensonges historiques”.

Depuis 2012, Pékin occupe de fait une petite partie du territoire maritime philippin : le récif de Scarborough. Les cartes présentées au sein de l’exposition philippine montrent, au contraire, que le récif est bien en territoire philippin, et ce depuis son apparition sur les cartes en 1636.

La frégate chinoise Mianyang au large de l'Australie en 2010.  (photo flickr/ Horatio J. Kookaburra)
La frégate chinoise Mianyang au large de l’Australie en 2010.
(photo flickr/ Horatio J. Kookaburra)

Depuis 2010, la mer de Chine est considérée par Pékin comme étant du même niveau d’intérêt stratégique que Taïwan, le Tibet ou le Xinjiang. Derrière cette déclaration se cachent trois raisons géopolitiques :

1. Les Chinois possèdent la quatrième flotte marchande du monde et la troisième industrie navale. Ils souhaitent donc assurer leur contrôle des routes maritimes qu’empruntent près de 90% du commerce international chinois (qui vont de la mer de Chine orientale jusqu’au Golfe arabo-persique et de la mer de Chine méridionale à l’Océan Indien, nldr).

2. La mer de Chine recèle de ressources pétrolières off-shore et halieutiques (pêche, ndlr). Dans l’état actuel des choses, les experts estiment que la Chine devra importer plus de 60% de son pétrole d’ici 2030. Le contrôle de ressources de la mer de Chine pourrait changer la donne et garantir au pays une relative indépendance énergétique.

3. La mer de Chine représente aussi un accès à l’océan Pacifique pour les chinois, indispensable si le pays souhaite s’affirmer comme véritable puissance mondiale. De cette volonté découle l’objectif de contrôler le détroit de Formose, Taïwan, mais aussi les nombreuses îles présentes entre le Japon et les Philippines.

Ces ambitions chinoises contrarient celles des autres puissances rivales de la région à savoir les États-Unis (qui dominent le Pacifique depuis la fin de la Second Guerre mondiale), le Japon, l’Inde, le Vietnam et les Philippines. Pour l’heure, la Zone économique exclusive chinoise (le territoire maritime contrôlé par Pékin) représente seulement 80 0000 km2, alors que, par comparaison, la ZEE française en fait plus de 11 millions. Si le pays réussissait à obtenir la totalité de ce qu’il réclame actuellement, sa ZEE se verrait plus que triplée pour atteindre près de 4 millions de km2.

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