L’Autriche s’apprête à créer 10 nouvelles agences de renseignement

 Si le Parlement autrichien décide de voter le mois prochain le « State Protection Act », et de créer par la même occasion rien de moins que dix nouvelles agences de renseignement, les services de sécurité du pays n’auront même plus besoin d’un mandat pour pouvoir espionner les citoyens autrichiens, le prétexte d’une vague « suspicion justifiée » leur suffira. Les surveillants, quant à eux, seront très peu surveillés.

Le Parlement autrichien, siège des deux chambres de l'Assemblée fédérale. (Photo Flickr/ -Reji)
 Le Parlement autrichien, siège des deux chambres de l’Assemblée fédérale.
(Photo Flickr/ -Reji)

Le mois prochain, le Parlement autrichien votera pour ou contre la création de dix nouvelles agences de renseignement dotées de larges pouvoir pour surveiller les citoyens du pays, comme le rapporte l’EDRi, l’Association internationale de protection des droits fondamentaux liés aux numérique.

Dans les faits, si le Parlement décide d’adopter le « State Protection Act », l’Agence fédérale pour la protection de l’État et la lutte contre le terrorisme (BTV) — un service de police qui exerce d’ores et déjà une surveillance permanente de l’Internet —, deviendra une sorte de « super-agence » de renseignement. De plus, ce sont rien de moins que neuf nouvelles agences aux pouvoirs similaires (une pour chacune des neuf provinces, ou Bundesländer) qui verront le jour. En théorie donc, les élus régionaux disposeront eux aussi de leur propre service de renseignement.

Une pétition demandant le retrait pur et simple du texte actuel et la rédaction d’une nouvelle loi respectant les droits fondamentaux circule actuellement en ligne. Au moment de la rédaction de cet article, elle avait déjà récolté près de 12 500 signatures. Cette dernière passe en revue les différents pouvoirs que recevraient les potentielles agences si le texte était adopté tel quel.

(Capture d'écran :  Staatsschutz.at)
(Capture d’écran :  Staatsschutz.at)

Parmi ceux-ci (troisième point ci-dessus) : l’autorisation d’espionner n’importe quel citoyen autrichien et d’avoir accès à toutes les données nécessaires pour mener à bien leurs investigations. Le tout sans l’obligation préalable d’obtenir un mandat délivré par un juge ou un procureur. Par conséquent, la simple présomption d’un risque « d’attaque constituant une menace pour la constitution » obligerait purement et simplement les autorités et entreprises du pays à coopérer. Les données personnelles ainsi récupérées par les agences pourront être conservées pendant une durée de cinq ans. La liste détaillée des personnes ayant eu accès à ces informations sera quant à elle conservée pendant seulement trois ans.

Comme l’explique Arsechnica dans un récent article, près d’une centaine de crimes rentrent actuellement dans la définition « d’attaque constituant une menace pour la constitution ». Une quarantaine d’entre eux le deviennent à partir du moment où ces actes sont commis pour des motifs « religieux ou idéologiques ».

Le sixième point du texte de la pétition (ci-dessus) est lui particulièrement aussi intéressant. On y apprend que les pouvoirs conférés à la BVT iraient bien au-delà de la simple lutte contre le terrorisme. Ainsi, les lanceurs d’alerte au même titre que, par exemple, les associations luttant contre la montée en puissance de mouvements d’extrême droite pourraient aisément devenir la cible des autorités. À cela s’ajoute également la possibilité de faire usage dans le cadre de ces enquêtes d’informateurs rémunérés. Une technique millénaire qui demeure encore souvent — et heureusement — controversée, et ce même dans le milieu de la surveillance.

Enfin, un autre problème de taille réside dans le fait qu’à l’heure actuelle les mécanismes de contrôle des surveillants semblent bien légers. Dans la version actuelle du « State Protection Act », un seul et unique « officier spécial » du ministère de l’Intérieur autrichien serait habilité à poser d’éventuels vétos. Cependant, il est permis de douter de son utilité dans la mesure où le texte donne aux agences des moyens d’éviter de communiquer à cette personne certaines informations jugées trop sensibles.

Le « State Protection Act » a été rédigé au lendemain des attaques terroristes qui ont frappé Paris et Copenhague un peu plus tôt cette année. À en croire l’EDRi, les 18 institutions consultées (au nombre desquelles figurent notamment des « associations de juges, d’avocats, de docteurs, de fournisseurs d’accès à Internet, mais aussi des représentants des églises évangéliques et catholiques, des organisations syndicales, la Chambre économique fédérale autrichienne (WKÖ), le service constitutionnel de la chancellerie fédérale de la République d’Autriche, le Bureau fédéral de l’ombudsman ou encore Amnesty International ») ont toutes émis de multiples réserves quant à cette proposition de loi. Le vote devrait néanmoins avoir lieu entre le 13 et 15 octobre prochain. Si le « State Protection Act » est adopté, il entrera en vigueur le 1er juillet 2016.

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