Inde : Les adolescents accusés de viol pourraient être jugés comme des adultes

 En Inde, les jeunes âgés de plus de quinze ans impliqués dans des affaires de viol pourraient bientôt être jugés comme des adultes, sur le modèle de ce qui se fait déjà aux États-Unis. Une proposition de loi allant dans ce sens est actuellement à l’étude au Parlement indien. Dans sa version initiale, elle ne concernait que les jeunes âgés de plus de seize ans. Pourtant, deux récentes affaires de viol particulièrement choquantes ont conduit le gouvernement à abaisser cette limite. Une mesure à laquelle les défenseurs indiens des droits de l’homme et de l’enfant s’opposent catégoriquement.

Des Indiens manifestent dans les rues de New Delhi après qu'une nouvelle affaire de viol collectif a fait les gros titres des journaux du pays en 2013. (Photo Flickr/ Ramesh Lalwani)
 Des Indiens manifestent dans les rues de New Delhi après qu’une nouvelle affaire de viol collectif a fait les gros titres des journaux du pays en 2013.
(Photo Flickr/ Ramesh Lalwani)

En juin de l’année dernière, le gouvernement indien promettait enfin « d’adopter une politique de tolérance zéro en matière de violence faite aux femmes ». Pourtant, près d’un an et quatre mois plus tard, l’Inde paraît encore loin d’avoir réussi à véritablement mettre un terme à la culture du viol.

Le mois dernier, deux nouvelles affaires de viol particulièrement choquantes ont une fois encore secoué le pays, le tout à moins de vingt-quatre heures d’intervalle, comme le rapporte le China Post. Les victimes : deux petites filles originaires de New Delhi, la capitale du pays, respectivement âgées de cinq et deux ans.

Dans les deux cas, plusieurs suspects ont d’ores et déjà été identifiés et arrêtés. Pourtant, il existe une différence de taille entre les deux affaires : les deux suspects accusés d’avoir violé la petite fille de deux ans n’avaient pas encore 18 ans au moment des faits. Ils seront donc jugés en tant que mineurs.

Sous sa forme actuelle, il existe une nette séparation dans la loi indienne entre la manière de juger des mineurs, qui dépendent d’un code pénal spécifique, et celle de juger des adultes. Une distinction sous le feu des critiques en raison des faibles peines encourues par les mineurs dans les affaires de viol, beaucoup trop fréquentes dans le pays.

C’est en 2013 que l’appel au changement a commencé à se faire entendre, comme l’explique un article du Global Post. À l’époque, l’un des six protagonistes du viol collectif dans un bus de New Delhi qui avait entrainé la mort d’une jeune étudiante indienne de 23 ans, seulement âgé de dix-sept ans et demi à l’époque, avait été condamné à la peine maximale qu’il encourrait, soit trois ans en maison de réhabilitation — quatre autres individus, adultes eux, avaient été condamnés à mort.

En réaction, une proposition de loi visant à modifier le Code pénal spécifique aux mineurs, se calquant très largement sur le système américain, a récemment été introduite au Parlement indien. Dans les faits, si cette loi venait à être adoptée, des commissions spéciales seraient créées. Dotées de prérogatives particulières, elles devaient au départ pouvoir décider dans le cas de certains crimes particulièrement graves qu’un accusé âgé de 16 à 18 ans soit jugé de la même manière qu’un adulte. Cependant, conséquence directe des deux affaires de viol du mois dernier, la proposition de loi vient tout juste d’être amendée, Arvind Kejriwal, le ministre en chef de Delhi, ayant demandé à ce que cette limite d’âge soit ramenée à 15 ans.

Les défenseurs des droits de l’homme, les maisons d’arrêt et les ONG des droits des enfants s’opposent toutes à une réduction de l’âge minimum qui permettrait de juger des enfants comme des adultes. « Demain, si c’est un jeune de 12, 13 ou 14 ans qui commet un crime, et c’est du domaine du possible dans cette ville, est-ce que la loi va de nouveau être modifiée ? », a ainsi riposté Vrinda Grover, un célèbre avocat spécialisé dans la défense des droits de l’homme, au Global Post.

Selon lui, cette nouvelle mesure n’entrainera pas de baisse des taux de condamnation et n’aura pas non plus d’effet dissuasif : « En tant que personne ayant travaillé pour le système de justice pénale, je peux vous dire qu’il n’existe pas de peur de la loi ».

L’avocat et d’autres opposants à la proposition de loi pensent qu’il serait bien plus intelligent d’investir les ressources nécessaires à un meilleur suivi des jeunes délinquants — ce qui passerait notamment par la mise en place d’un organisme d’évaluation indépendant. Une telle structure pourrait s’assurer de l’existence de bonnes conditions dans les maisons d’arrêt du pays, nécessaires pour garantir la bonne réinsertion des jeunes dans la société après que ces derniers ont purgé leur peine.

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