Une vaste campagne de contre-propagande, dont le coût est estimé à plusieurs millions d’euros, s’apprête à voir le jour. Les dirigeants européens ont donné leur aval lors d’un sommet qui s’est tenu jeudi dernier, à Bruxelles. Première étape : la constitution d’un groupe d’experts en communication et en relations publiques qui devrait commencer à plancher sur une première opération d’ici la fin du mois.

Le Conseil européen – constitué des chefs d’État ou de gouvernement des 28 États membres de l’UE, du président du Conseil européen, Donald Tusk, et du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker – a insisté jeudi dernier, à Bruxelles, auprès du Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, sur “la nécessité de réagir face à la campagne de désinformation actuellement menée par la Russie”. Le Conseil a invité l’UE “à mettre en place un plan d’action détaillé de communication stratégique d’ici juin”, rapporte Reuters.
En d’autres termes, l’UE s’apprête à affronter la Russie sur le terrain de la propagande, et ce dans l’espoir de contrer ce qu’elle considère comme “une tentative délibérée de désinformation de la part du Kremlin quant au rôle et aux objectifs de Moscou en Ukraine et ailleurs en Europe”.
Cette vaste campagne pourrait notamment inclure la production ainsi que la diffusion de divers contenus et programmes en langue russe à destination des populations russophones vivant dans les anciens États membres de l’Union Soviétique. A en croire les analystes, ces communautés auraient majoritairement tendance à s’informer par le biais des chaines de télévision russes, qui bénéficient d’un budget très largement supérieur à celui des antennes de télévision locales.
Pour l’heure, l’UE s’apprête à entamer la première phase de cette campagne de contre-propagande en créant un groupe de travail composé de chargés de relations publiques et d’experts en communication en provenance des différents pays de l’Union.
Ce dernier aura pour mission de scruter les informations relayées dans les médias russes afin d’identifier la “désinformation” et “d’émettre des corrections si nécessaire” afin de développer une “version des faits en accord avec les vues de l’UE” au travers “d’articles, d’éditoriaux, de fiches et d’infographies incluant des contenus en russe”, à en croire un document qui aurait circulé dans les arcanes du parlement européen, comme le relate Reuters. Le groupe aurait d’ores et déjà un surnom : les “Mythbusters”, rappelant fortement le célèbre site internet Hoaxbuster dont l’objectif est de démêler le vrai du faux parmi les informations diffusées sur Internet.
Cette décision est largement vue comme une réponse aux inquiétudes formulées par plusieurs dirigeants européens – en particulier ceux des États baltes, à l’instar du président estonien Toomas Hendrik Ilves.
Bien qu’ayant reçu un accueil plutôt favorable sur les réseaux sociaux, l’initiative de Bruxelles est également la cible de nombreuses critiques, comme le rapporte très justement cet article paru dans euobserver.
En premier lieu, le timing d’une décision, que nombre de commentateurs considèrent bien trop tardive. Vient ensuite le budget et les effectifs alloués par l’UE à cette campagne (pour l’heure une dizaine de personnes et quelques millions d’euros par an), qui risquent de ne pas faire le poids face à l’impressionnante machine russe (à titre de comparaison, l’année dernière, le gouvernement russe a alloué à la chaîne de télévision publique d’information en continue Russia Today, qui emploie près de 2000 personnes, un budget dépassant les 300 millions d’euros).
Enfin, nombreux sont ceux à avoir fait part de leur réticence à l’idée de combattre le Kremlin avec ses propres armes. L’émergence d’une contre-propagande européenne, ayant pour but de répondre “œil pour œil” aux insinuations russes, risque en effet de se révéler contre productive, et de ternir l’image d’une Union Européenne qui peine déjà à être prise au sérieux sur le plan de la politique internationale.
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