Royaume-Uni : Des dossiers de candidatures universitaires anonymes

 Quatre universités britanniques — situées à Exeter, Huddersfield, Liverpool et Winchester — ont décidé de rendre les dossiers de candidatures pour sélectionner leurs futurs étudiants anonymes. Objectif de cette expérience grandeur nature, première du genre au Royaume-Uni : lutter contre les discriminations basées sur l’origine ethnique, l’appartenance religieuse ou encore le genre.

(Photo Flickr/ Lawrence OP)
(Photo Flickr/ Lawrence OP)

Régulièrement, des universités britanniques se retrouvent nommées parmi les meilleurs d’Europe et du monde, du moins à en croire certains classements internationaux. Si la réputation d’excellence et de rigueur de l’enseignement supérieur du pays n’est plus à faire, celle de son élitisme lui colle tout autant à la peau.

À raison. Comme le rappelle le Washington Post, selon les chiffres de l’année dernière, les meilleures universités du pays tendent à accepter un nombre inférieur d’élèves issus de l’enseignement public en comparaison de ceux sortis des écoles privées du pays. Plus désolant encore, si en moyenne 55% des “candidats caucasiens” décrochent le précieux sésame, ce n’est le cas que de 23% de ceux de couleur.

Afin de remédier à cette lamentable situation, quatre universités britanniques, Exeter, Huddersfield, Liverpool et Winchester, ont mis en oeuvre cette année un projet pilote de dossiers de candidature anonymes. Un méthode qui pourrait permettre de mieux combattre les discriminations basées sur l’origine ethnique, l’appartenance religieuse ou le genre, explique le Times Higher Education.

Il s’agit d’une première dans les sphères de l’enseignement supérieur britannique (NDLR, des procédures similaires existent déjà dans de nombreuses entreprises des secteurs privé et public). Coordonné par UCAS, l’organisation chargée des procédures d’admissions en licence des universités britanniques, le projet est la concrétisation partielle d’une idée initialement évoquée en 2015 par David Cameron, alors Premier ministre du Royaume-Uni.

Selon les coordinateurs du projet pilote, la vision du nom d’un ou d’une potentiel(le) étudiant(e) pourrait inconsciemment influencer les recruteurs, et ainsi priver des étudiants méritants d’un futur prometteur au sein d’une université renommée. Les quatre universités concernées continueront cependant de rendre d’autres informations disponibles, par exemple le niveau de revenus.

Le projet a reçu le soutien de Jo Johnson, le ministre des Universités, qui a déclaré sur les ondes de la BBC soutenir les efforts visant à « éradiquer l’inégalité ». Pourtant, si publiquement l’idée n’a reçu que des louanges du côté des universités, officieusement une certaine réticence demeure dans les sphères les plus influentes.

L’année dernière encore, David Cameron évoquait dans les pages du Guardian un système de candidature anonyme appelé à devenir très prochainement la nouvelle norme : « Les raisons sont complexes, mais il existe clairement un risque de biais inconscient. Nous avons donc donné notre accord à UCAS pour rendre les dossiers de candidature anonymes dès 2017 ». Selon le plan initial, le procédé devait donc être généralisé à l’ensemble des universités du pays. Aujourd’hui, la situation est bien différente et les quatre universités l’ayant adopté le font actuellement sur la base du volontariat.

Du côté des sceptiques, l’un des arguments le plus souvent avancé est que le nombre d’étudiants de couleur a, de toute manière, déjà augmenté de près de 64% entre 2006 et 2014. De plus, certains évoquent une possible contre-productivité dans la mesure où les recruteurs risquent de ne plus être en mesure de repérer et d’aider les candidatures d’étudiants issus de milieux sociaux désavantagés. Enfin, certains mettent en lumière l’incohérence du procédé, dans la mesure où d’autres informations, qu’ils considèrent comme tout aussi problématiques (par exemple les noms et emplacements des écoles où les candidat(e)s ont étudié(e)s) demeurent, eux, accessibles.

La récente démission de David Cameron, principal promoteur de cette initiative, rend improbable son déploiement rapide à l’échelle nationale. Le projet pilote devrait cependant permettre de se faire une meilleure idée de son utilité.

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