Turquie : Les responsables religieux désormais autorisés à célébrer des mariages civils

Extrémement controversée, une nouvelle loi autorisant les responsables religieux à célébrer des mariages civils est entrée en vigueur le 3 novembre dernier en Turquie. L’opposition dénonce une mesure mettant en péril les bases laïques de l’État turc, qui faisaient notamment jusque-là obstacle au mariage d’enfants.

Des Derviches tourneurs en représentation lors d'un mariage traditionnel en Turquie. (Photo Flickr/ priscillamok17)
Des Derviches tourneurs en représentation lors d’un mariage traditionnel en Turquie.
(Photo Flickr/ priscillamok17)

Les muftis – des religieux employés par le Département des affaires religieuses (Diyanet) du pays – ont l’autorisation d’unir officiellement les couples dans le cadre de mariages civils en Turquie depuis la publication au Journal officiel d’une loi controversée, le 3 novembre dernier, comme nous l’apprend un récent article de The Telegraph. Cette mission revenait jusque-là aux officiers d’état civil. Les responsables religieux avaient auparavant uniquement le droit d’unir les couples devant Dieu lors d’une cérémonie n’ayant aucune valeur légale.

Selon le gouvernement, la nouvelle loi permettra d’offrir un plus grand nombre d’options aux futurs mariés, et devrait permettre par la même occasion de considérablement réduire les délais d’attente et le nombre de mariages n’étant pas officiellement enregistrés auprès des autorités. Il souligne également que cela ne remet aucunement en question la validité des mariages qui seront célébrés par les officiers d’état civil.

Cependant, l’opposition laïque, elle, dénonce une mesure qui mettrait grandement en péril les fondements laïques de l’État turc. Ainsi, le Parti républicain du peuple (CHP), un parti politique turc de type républicain, social-démocrate et laïc, considère qu’il ne s’agit que de la dernière tentative en date de l’AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdoğan, d’islamiser encore un peu plus la Turquie. “Vous rendez toutes les sphères de l’État — de l’éducation au mariage — religieuses. C’est exactement l’opposé de la laïcité”, a déclaré Murat Bakan, un parlementaire du CHP. Le parti explique redouter l’apparition de nouvelles pressions religieuses sur la population. Par exemple, un employeur pourrait discriminer un employé n’ayant pas été marié par un mufti.

Autre inquiétude, qui émane, elle, essentiellement de groupes de défense des droits de l’homme : que cette mesure facilite les mariages d’enfants, un phénomène qui demeure loin d’avoir disparu dans certaines régions de Turquie. En effet, selon les statistiques de l’ONG Girls Not Brides, 15% des jeunes filles turques continueraient d’être mariées avant d’atteindre l’âge de la majorité. L’organisation considère d’ailleurs qu’il s’agit là d’une estimation conservatrice, dans la mesure où les mariages ayant lieu à la campagne ne sont pas tous enregistrés auprès de l’État. “Cette proposition de loi constitue un effort préparant un terrain légal à l’abus sexuel des enfants et aux mariages infantiles”, s’alarme Aylin Nazliaka, une parlementaire turque indépendante, citée dans les pages de The Telegraph.

Pour rappel, Recep Tayyip Erdogan, aux rênes du pouvoir depuis son accession au poste de Premier ministre en 2003, continue d’être fréquemment accusé d’essayer islamiser la société turque, aussi bien par ses adversaires politiques turcs, défenseurs de la République laïque fondée en 1923 par Mustafa Kemal Atatürk, que par ses critiques à l’international. Des accusations qui ont jusqu’à maintenant toujours été rejetées par les autorités du pays.

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