La Cour constitutionnelle de Colombie a rendu son verdict : se rendre au travail tout en étant sous l’influence de substances illicites ou en état d’ébriété ne peut être sanctionné que si les performances de l’employé s’en ressentent.

Se droguer et travailler. Ces deux choses ne sont plus incompatibles en Colombie. La Cour constitutionnelle du pays d’Amérique du Sud a en effet jugé inconstitutionnel un droit du travail qui interdisait jusque-là de façon systématique de travailler tout en étant sous l’influence de narcotiques ou de stimulants. Selon les juges, les travailleurs ne devraient être sanctionnés que si la consommation de drogues a « un effet direct sur les performances au travail », nous apprend un récent article d’El País.
Il s’agit bien sûr d’un verdict hautement controversé, la Colombie étant un pays où la production et la consommation de cocaïne est repartie à la hausse ces deux dernières années. La décision intervient après que deux étudiants en droit de l’université de Bucaramanga Uniciencia ont contesté la valeur légale de l’interdiction dans la mesure où elle entrait, selon eux, en conflit avec deux articles de la Constitution.
Comme l’explique le quotidien argentin La Nacion, l’un des deux articles susmentionnés garantit l’égalité de tous les hommes devant la loi et apporte la protection de l’État à ceux qui « à cause de leur situation économique, physique ou mentale, se retrouvent fragilisés ». Un groupe qui inclut les consommateurs de drogue, a tranché la Cour constitutionnelle. Résultat : dans la mesure où un second article de la Constitution assure l’égalité des chances pour tous les travailleurs, licencier une personne travaillant alors qu’elle est sous l’emprise de drogues ou d’alcool pourrait constituer un acte de discrimination.
Cependant, cette révision du droit du travail contient plusieurs exceptions. Ainsi, les consommateurs de drogue ne pourront pas exercer d’activités qui « impliquent des risques pour eux-mêmes, leurs collègues ou des tierces parties ». L’industrie aéronautique étant notamment citée en exemple.
De plus, la Cour constitutionnelle précise que les employeurs peuvent interdire à leurs employés de travailler tout en étant sous l’influence de l’alcool ou de drogues s’ils peuvent prouver qu’il est dans « leur intérêt légitime que les travailleurs s’acquittent de leurs devoirs professionnels d’une manière adéquate ». Néanmoins, « des mesures disciplinaires ne pourront pas être prises si l’employeur s’avère incapable de prouver l’impact négatif de la consommation de substances psychoactives ».
Comme l’explique El País, la décision divise aussi bien les experts que la sphère politique colombienne. Ainsi Juan Manuel Charry, un spécialiste en droit constitutionnel interrogé par le quotidien espagnol, s’est déclaré en sa faveur en citant l’exemple d’un employé qui aurait bu deux verres de vin au déjeuner : « Le fait d’être sous l’influence d’une substance ne peut être puni s’il n’y a ni dommage ni négligence. Vous ne pouvez pas punir les gens pour être qui ils sont ou à cause de l’État dans lequel ils vivent, seulement pour ce qu’ils font ».
À l’inverse, pour Augusto Pérez, directeur du centre Corporación Nuevos Rumbos, une organisation à but non lucratif qui lutte contre l’addiction aux drogues, la décision de la Cour constitutionnelle aura des « conséquences négatives pour la société ». Selon lui, il s’agit de quelque chose de « dangereux pour les employés » dans la mesure où cela établit un précédent et leur donne « carte blanche pour faire ce qu’ils veulent ».
0 commentaires