Plusieurs milliers de yakuza ont quitté les rangs de Yamaguchi-gumi — la plus grande famille yakuza actuelle — pour créer une nouvelle organisation criminelle au pays du soleil levant. La police nippone a peur que cette scission ne déclenche une nouvelle fois un conflit meurtrier entre organisations rivales.

Le Japon va-t-il de nouveau faire les frais d’une guerre des gangs ? C’est fort possible à en croire la police japonaise. En état d’alerte depuis maintenant plus d’une semaine, elle craint de voir se répéter le scénario de 1984. A l’époque, la séparation de la famille yakuza Yamaguchi-gumi et du gang Ichiwa-kai avait été suivie de cinq années marquées par des règlements de compte en série. Bilan final : 25 morts, plus de 70 blessés et plus de 500 arrestations.
Fin août, treize des 72 gangs du Yamaguchi-gumi, la plus grande famille yakuza du Japon, ont décidé de faire défection suite aux expulsions de leurs chefs pour déloyauté, comme l’explique le Tokyo Reporter. Ils ont ensuite décidé de rejoindre un autre groupe mafieux de la région de Kobé : le Yamaken-gumi. Fort d’environ 3000 membres, le nouveau gang, qui a depuis changé son nom en Kobé Yamaguchi-gumi, est dirigé par Kunio Inoue, 67 ans, l’ancien chef du Yamaken-gumi. Probablement à titre de provocation, il a décidé de continuer d’arborer le blason du Yamaguchi-gumi.
Le Yamaguchi-gumi, organisation criminelle fondée en 1915 par un docker, est également basé à Kobé. Avant la scission, il était présent dans 44 des 47 préfectures du pays. Ses effectifs, évalués à près de 23 400 membres actifs par l’Agence nationale de la police japonaise, équivaudraient à un peu moins de la moitié de la mafia du pays, comme le rapporte le Guardian. L’année dernière, le magazine Fortune évaluait les actifs du groupe mafieux à près de 80 milliards de dollars (soit environ 71,5 milliards d’euros).
Son dirigeant, Shinobu Tsukasa, un homme de 73 ans qui a passé 13 ans en prison pour avoir tué un rival avec un sabre de samouraï dans les années 70, est à la tête de l’organisation depuis maintenant plus d’une décennie. Sous sa direction, le Yamaguchi-gumi s’est progressivement discipliné jusqu’à devenir la plus importante organisation criminelle du pays. Les « mesures disciplinaires » à l’encontre des chefs de gang désobéissant, ou ne parvenant pas à s’acquitter dans les temps des frais mensuels d’adhésion au groupe mafieux d’un montant d’un million de yens (soit environ 7400 euros), sont d’ailleurs réputées particulièrement sévères.
Selon les dissidents qui ont rejoint les Kobé Yamaguchi-gumi, ce serait la mauvaise gestion de Shinobu Tsukasa qui aurait causé cette séparation. Selon eux, le parrain aurait régulièrement favorisé le Kodo-kai, un gang de Nagoya qu’il avait contribué à créer dans les années 80, comme le rapporte le journal japonais Sankei Shimbun. Impliqué dans des activités d’extorsion de fonds et de corruption, le Kodo-kai, fort d’environ 4000 membres, est considéré comme la faction la plus violente du Yamaguchi-gumi. Tsukasa se serait mis à dos un nombre important de yakuza en suggérant le déménagement du quartier général de Yamaguchi-gumi à Nagoya, le fief historique du Kodo-kai.
À l’instar des autres organisations criminelles du monde (comme la Bratva russe, la Mafia italienne ou encore les Triades chinoises), l’essentiel des revenus des yakuza provient de la vente de substances illicites, de la prostitution, du secteur du jeu ainsi que du racket organisé. Cependant, au cours de ces dernières années, les yakuza ont également réussi à s’immiscer dans un nombre croissant de secteurs d’activité de l’économie japonaise. Il est donc de plus en plus fréquent de les trouver impliqués dans des arnaques financières à grande échelle ou dans d’autres affaires assimilables à la criminalité en col blanc.
L’existence de ces gangs a longtemps été tolérée par la police nippone. D’après certains sociologues, leur présence permettrait même de réduire la petite délinquance. Cette dernière étant sous le contrôle des mafieux. Cela fait néanmoins quelques années que la police a décidé d’intensifier sa lutte contre le crime organisé sur l’archipel, compliquant fortement la tâche des yakuza. Une descente de police a d’ailleurs été effectuée aujourd’hui au quartier général de la nouvelle faction Kobe Yamaguchi-gumi, comme le rapporte le Journal de Montréal. A l’augmentation des opérations policières s’est également ajoutée la décision de l’administration du président américain Barack Obama, en 2012, de geler leurs actifs aux États-Unis.
Même si dernièrement les yakuza semblent être en perte de puissance, la police demeure prudente et a mis en garde la population de la très forte probabilité d’une recrudescence des violences. Optimiste, le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, a néanmoins tenu à ajouter que cette scission pouvait également représenter une opportunité d’intensifier encore davantage la pression qui pèse déjà sur ce syndicat du crime dans le but de réduire son influence sur la société japonaise.
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