Japon : Un drone pour lutter contre les heures sup’

Comme chaque vendredi sur 8e étage, nous vous proposons un article « WTF ». L’idée : au travers d’une information qui pourrait à première vue prêter à sourire, évoquer un sujet que nous considérons digne d’intérêt. Cette semaine, direction le Japon où les autorités continuent, sans grand succès, de multiplier les mesures visant à limiter les risques de « karoshi » (NDLR, décès lié au surmenage). C’est la raison pour laquelle Taisei, une entreprise de sécurité et de nettoyage, a développé le drone « T-Friend », dont la commercialisation débutera en avril prochain. Sa mission : chasser les salariés présentéistes en se baladant dans les bureaux tout en diffusant la chanson écossaise « Auld Lang Syne ». Plusieurs experts se disent sceptiques quant à l’efficacité de ce qu’ils appellent une « forme de harcèlement robotique ».

(flickr/Chris Martin)
(flickr/Chris Martin)

La technologie moderne pourrait-elle permettre de lutter contre le surmenage qui touche des milliers de Japonais, déjà évoqué précédemment dans nos colonnes ? L’entreprise Taisei, spécialisée dans la sécurité et le nettoyage, en semble convaincue. Cette dernière a développé « T-Friend », un drone dont la mission sera de parcourir les bureaux le soir pour en chasser les salariés qui travaillent trop tard, en diffusant la chanson écossaise « Auld Lang Syne ». Connue sous le titre « Ce n’est qu’un au revoir » en français, elle est souvent utilisée dans le pays pour annoncer la fermeture des magasins.

Le drone, produit par Blue Innovation et l’entreprise de télécoms NTT East, est équipé d’une petite caméra qui transmet en direct un flux vidéo qui peut ensuite être enregistré. Il réalise ses rondes de façon totalement autonome, suivant un trajet préprogrammé par son propriétaire. Lors d’une conférence de presse, Norihito Kato, un dirigeant de l’entreprise nippone, a annoncé que le drone sera disponible à la vente dès avril prochain. Prix estimé : 50 000 yens, soit un peu plus de 375 euros.

À l’avenir, Taisei envisagerait la possibilité de doter « T-Friend » d’une technologie de reconnaissance faciale pour identifier les employés qui rechignent à rentrer chez eux, et détecter de possibles intrus.

 

 

Comme l’explique le Japan Times, jusqu’à maintenant certains employeurs japonais faisaient appel aux services de sociétés de sécurité pour inciter leur personnel à rentrer chez eux le soir. Cependant, la pénurie de main-d’oeuvre dans le pays empêche désormais de nombreuses entreprises nippones de recourir à cette solution.

The Independent précise que « T-Friend » est actuellement sous le feu des critiques au Japon. En effet, plusieurs experts se disent sceptiques sur sa capacité à pousser les employés à quitter le bureau, certains allant même jusqu’à parler d’une « forme de harcèlement robotique ». Ainsi, Scott North, un professeur de sociologie de l’université d’Osaka, a fait part de ses doutes à la BBC : « Même si ce harcèlement robotique réussit à faire partir les employés du bureau, ils ramèneront du travail à la maison s’ils ont des tâches à finir. Pour réduire le nombre d’heures supplémentaires, il est nécessaire de réduire la charge de travail, notamment en mettant fin aux compétitions disputées sous forme de tournoi pour lesquelles les lieux de travail japonais sont connus, et en embauchant plus d’employés ».

Il ne s’agit pas de la seule initiative privée pour lutter contre le « karoshi » dans un pays où la culture d’entreprise pousse à travailler plus longtemps que ses collègues, ce qui est historiquement perçu comme une preuve de dévouement à son employeur. Ainsi, en mars dernier, nous évoquions déjà sur 8e étage, cette agence publicitaire de Nagoya qui avait eu l’idée de mettre en place une prime décernée à ceux de ses employés capables d’atteindre leurs objectifs en faisant moins d’heures supplémentaires que la moyenne des salariés de l’entreprise.

Pour rappel, dans un rapport publié en octobre dernier, le gouvernement japonais recensait 191 cas de « karoshi » au cours de l’année fiscale qui s’est terminée fin mars 2017. On y apprenait également que sur cette même période 7,7% des salariés japonais auraient effectué plus de 20 heures supplémentaires par semaine.

Recommandé pour vous

0 commentaires