Séoul : Dans les bus, des “femmes de réconfort”

Début août, des statues représentant des “femmes de réconfort” ont été installées dans cinq bus de la compagnie de transport public de Séoul, la capitale sud-coréenne. L’initiative, qui bénéficie du soutien du maire de la ville, a engendré la colère du Japon.

(Capture d'écran Youtube/ CGTN)
(Capture d’écran Youtube/ CGTN)

Depuis le début du mois d’août, cinq bus circulant sur des lignes de la Dong-A Transit, la régie assurant l’exploitation d’une partie des transports en commun de Séoul, desservant le centre-ville de la capitale coréenne, accueillent une passagère permanente qui fait beaucoup parler d’elle. Comme nous l’apprenait récemment le Korea Herald, l’un de leurs sièges avant est occupé par une statue à l’effigie d’une “femme de réconfort” (NDLR, un euphémisme employé par certains Japonais pour désigner des Coréennes victimes d’esclavage sexuel pendant la Seconde Guerre mondiale). Pieds nus, elles sont vêtues du traditionnel costume hanbok, les mains posées sur leurs genoux.

Comme le rappelle le Guardian, elles se veulent un rappel éloquent du sort subit par plusieurs dizaines de milliers de jeunes filles et femmes coréennes qui furent contraintes de travailler dans des maisons closes japonaises avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. “Elles on été conçues pour rappeler aux Sud-Coréens les souffrances qu’ont traversées les femmes”, a ainsi déclaré Rim Jin-woo, le directeur de Dong-A Transit. Cette opération, qui devrait durer jusqu’à la fin septembre, a également reçu le soutien du maire de Séoul qui, lors d’un voyage dans l’un de ces bus, a déclaré qu’il voyait là “une opportunité de rendre hommage aux victimes”.

La réaction a été toute autre de l’autre côté de la mer du Japon (NDLR, appelée « mer de l’Est » en Corée du Sud). Les autorités japonaises se sont montrées très critiques envers cette utilisation d’un espace public pour attirer l’attention sur un passage de l’histoire qui demeure très controversé au pays du soleil levant. Selon certains Japonais, les statues contreviennent à un accord de 2015 censé, selon la compréhension des Japonais, avoir mis un point “final et irréversible” à la controverse entourant la question des “femmes de réconfort”.

Comme l’expliquait alors le Monde, le Japon avait accepté de reconnaître sa « responsabilité dans un système d’esclavage sexuel mis en place par l’armée nippone durant la Seconde Guerre mondiale » et ayant concerné « jusqu’à 200 000 femmes asiatiques », ainsi qu’accepté de verser un conséquent dédommagement financier aux 46 « femmes de réconfort » sud-coréennes encore vivantes à l’époque — elles ne sont plus que 37 aujourd’hui. En échange, la Corée du Sud avait accepté de s’abstenir de critiquer les agissements du Japon en matière d’esclavage sexuel lors de forums internationaux.

Cependant, subsiste depuis 2015 un obstacle majeur à la mise en œuvre de cet accord : la demande japonaise que le gouvernement sud-coréen fasse enlever les statues érigées en mémoire des “femmes de réconfort” à travers le pays. Une requête à laquelle le gouvernement sud-coréen aurait de toute manière bien du mal à accéder dans la mesure où ces dernières années des activistes n’ont eu de cesse d’ériger de nouvelles statues. De plus, comme l’indique certains sondages, l’opinion sud-coréenne ne semble jamais avoir véritablement accepté cet accord signé en décembre 2015 entre la présidente sud-coréenne Park Geun-hye et le Premier ministre japonais Shinzo Abe.

Gageons que ce n’est pas le dernier épisode de ce feuilleton au long court qui risque d’améliorer les relations entre les deux pays. Une fois le mois de septembre écoulé, il est prévu que les statues soient exposées de façon permanente dans des espaces publics aux quatre coins du pays. Le gouvernement sud-coréen envisage également de faire du 14 août une journée nationale en mémoire des “femmes de réconfort », ainsi que d’ouvrir un musée racontant leur histoire d’ici 2020. En plus de cela, neuf nouvelles statues devraient également être érigées à Séoul et dans d’autres grandes villes du pays.

Comme l’explique le Guardian, cela n’a finalement rien de bien étonnant. Il apparaît de plus en plus probable que l’accord soit prochainement rendu caduc. En effet, le président Moon Jae-in, ancien avocat spécialisé dans les droits de l’homme et successeur de Park Geun-hye, a récemment demandé qu’il soit officiellement réévalué.

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