Japon : Une femme contrainte de s’excuser d’être tombée enceinte auprès de son employeur

Certaines entreprises japonaises ont instauré des « calendriers de grossesse » où sont indiquées les périodes de l’année durant lesquelles une employée a l’autorisation de se marier ou de tomber enceinte. Cependant, un scandale qui secoue l’archipel ces derniers mois pourrait bien sonner le glas de cette pratique.

(photo flickr/Justin C.)
(photo flickr/Justin C.)

Lorsque le Japon fait son apparition dans les pages de nos journaux, c’est souvent pour parler du problème de natalité qui frappe le pays qui vieillit le plus vite au monde. Il serait donc légitime de penser que tout y est fait pour encourager les Japonaises à tomber enceintes. C’est pourtant mal connaître cet archipel de tous les paradoxes.

Pour cause, un autre sujet se retrouve régulièrement dans les pages de nos journaux : cette culture d’entreprise japonaise, poussée à l’extrême, qui engendre chez beaucoup d’employés un dévouement sans faille à leur employeur. Rajoutez à cela une pénurie chronique de crèches et vous obtenez tous les ingrédients pour des dérives comme l’instauration de « calendriers de grossesse » dans certaines entreprises, qui n’hésitent pas à dicter à leurs employées à quel moment elles peuvent envisager de se marier ou de tomber enceinte.

Cependant, les jours de cette pratique impensable dans la plupart des pays européens pourraient bien être comptés. En effet, comme le rapporte un récent article paru dans le quotidien Mainichi Shimbun, le cas d’un couple japonais ayant été obligé de s’excuser en personne d’une grossesse hors calendrier lors d’un entretien avec le directeur d’une crèche privée de la préfecture d’Aichi, dans le nord du Japon, agite le pays. Comme un nombre conséquent d’entreprises japonaises, cette crèche avait mis en place un système complexe de rotation, fonctionnant sur la base d’un accord tacite. Chaque salariée se voyait ainsi attribuer une courte période de l’année au cours de laquelle elle pouvait envisager de se marier ou tomber enceinte. En théorie, chacune devait patiemment attendre son tour, en donnant la priorité à ses supérieures.

Dans une lettre ouverte publiée fin février dans ce même journal japonais, le mari avait révélé que sa femme avait, malgré cet entretien humiliant, été réprimandée sur son lieu de travail pour avoir supposément fait preuve d’« égoïsme ». Un incident qui illustrerait selon lui la manière dont la société japonaise reste « rétrograde ».

La publication de cette lettre a entraîné de nombreuses réactions de soutien de la part des Japonais, comme l’explique le quotidien britannique The Telegraph — même si une minorité de lecteurs ont exprimé leur sympathie vis-à-vis des difficultés rencontrées par les crèches. Les langues de nombreuses Japonaises se sont ainsi déliées et les témoignages relatant des pressions similaires se sont multipliés ces dernières semaines. Une partie de la société japonaise a donc appris avec stupeur que ce type de plannings était monnaie courante dans les entreprises où la majorité des employées sont des femmes.

De nos jours, les femmes japonaises continuent de faire face à de nombreuses discriminations de genre au travail. Comme le rappelle The Telegraph, une enquête gouvernementale révélait en 2015 que la moitié des femmes actives japonaises enceintes ont déclaré avoir été victimes de harcèlement (NDLR, il existe même un terme pour cela en japonais : « matahara ») et près de 20% avoir été tout bonnement licenciées pour être tombées enceinte. Rien de bien étonnant à ce que l’année dernière, le pays ait chuté à une médiocre 114e place sur 144 dans le classement du Forum économique mondial pour ce qui est de l’écart entre les genres.

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