Japon : Le gouvernement menace les chaînes de télévision de fermeture

 Devant la chambre basse de la Diète (le parlement du Japon), Sanae Takaichi, la ministre japonaise des Affaires intérieures et des Communications, a réitéré pour la seconde fois ses menaces en l’espace de deux jours. À l’en croire, le gouvernement serait légalement en mesure d’obliger les chaînes de télévision dont il juge les programmes « politiquement biaisés » à fermer boutique. Une attaque en bonne et due forme contre la liberté d’expression.

En complet bleu, Sanae Takaichi, la ministre japonaise des affaires intérieures et des communications.
(Photo Flickr/ UN ISDR)
En complet bleu, Sanae Takaichi, la ministre des Affaires intérieures et des Communications.
(Photo Flickr/ UN ISDR)

Les menaces sont à peine voilées. Pour la deuxième fois en deux jours, la ministre japonaise des Affaires intérieures et des Communications, Sanae Takaichi, qui s’exprimait mardi devant la chambre basse de la Diète, a déclaré que le gouvernement n’aurait aucun problème à interdire légalement d’antenne des chaînes de télévision qui diffuseraient des contenus « politiquement biaisés », comme le rapporte un récent article du Asahi Shimbun.

Je ne pense pas que j’en arriverai à en faire usage moi-même. Mais, il n’existe aucune garantie que le prochain ministre des Affaires intérieures ne s’y résoudra pas

Gare donc aux chaînes de télévision qui refuseraient d’écouter les sirènes du « politiquement neutre » qui tiennent visiblement tellement à cœur à la ministre du second gouvernement de Shinzo Abe. Devant la Diète, Sanae Takaichi a même été jusqu’à donner des exemples de comportements « politiquement biaisés ». Parmi ceux-ci, la volonté d’un diffuseur de « mettre en lumière un seul aspect d’une affaire politique potentiellement clivante », ou encore « couvrir de façon persistante les actualités d’un candidat en particulier à l’approche d’une élection ».

À noter que la remarque de la ministre faisait suite aux propos, ce lundi, de Soichiro Okuno, un membre du Parti démocrate du Japon, principale force d’opposition au gouvernement. Lors d’une longue intervention devant la Diète, le parlementaire avait dénoncé une apparente volonté du Parti libéral-démocrate au pouvoir de renforcer sa mainmise sur les médias du pays. Pour appuyer son propos, il avait ainsi cité plusieurs exemples de démissions subites de présentateurs de journaux connus pour leur « franche critique des puissants », comme Hiroko Kuniya de NHK et Ichiro Furutachi de TV Asahi.

De son côté, Yoshihide Suga, le chef de cabinet de la ministre, explique qu’elle n’aurait fait que réitérer la posture traditionnelle du gouvernement sur le sujet. Dans les pages du Japan Times, l’homme précise également que cette remarque a été faite dans le strict respect de la législation en vigueur.

La notion de neutralité politique existe bel et bien dans l’article 174 du droit japonais relatif à l’audiovisuel. Dans les faits, celui-ci donne à la ministre le pouvoir de suspendre à sa guise les diffuseurs qui ne respecterait pas cette notion. Un article qui avait avant tout été imaginé comme un simple “code déontologique” nullement censé être utilisé afin de justifier une quelconque intervention du gouvernement, comme le précise Yasuhiko Tajima, professeur de droit de la presse et des médias de l’Université de Sophia à Tokyo contacté par le Japan Times. Ainsi, à en croire l’universitaire, l’utilisation de l’article 174 pour suspendre des programmes télévisés serait donc une violation pure et simple d’une Constitution japonaise qui garantit la liberté d’expression.

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